Arqueología de la Arquitectura 18
 2021, e116
ISSN: 1695-2731, eISSN: 1989-5313
https://doi.org/10.3989/arq.arqt.2021.008

Un cas unique d’épure d’architecture en Occident islamique. La représentation de l’arc et du décor de la grande porte mérinide de Šālla (Rabat)

A unique case of architectural outline in the Islamic West. The representation of the arch and the decoration of the great Merinid gate of Šālla (Rabat)

Un caso único de boceto arquitectónico en el Occidente islámico. La representación del arco y la decoración de la gran puerta meriní de Šālla (Rabat)

Patrice Cressier

CIHAM-UMR 5648, Lyon

https://orcid.org/0000-0003-3515-8054

Pedro Gurriarán Daza

Yamur S. L., Málaga

https://orcid.org/0000-0003-0877-3617

Samuel Márquez Bueno

Consejería de Educación de la Junta de Extremadura, Cáceres

https://orcid.org/0000-0002-8614-5352

María Antonia Martínez Núñez

Universidad de Málaga

https://orcid.org/0000-0003-2089-9968

Abdelaziz Touri

INSAP, Rabat

https://orcid.org/0000-0003-3291-4053

RÉSUMÉ

La muraille mérinide de Šālla conserve sur sa paroi intérieure les restes d’une épure, peinte et incisée dans le matériau (ṭābiya) encore frais. Contemporaine de la construction de la grande porte d’apparat, elle représente une version initiale, quoique légèrement différente, de la façade principale de celle-ci. Il s’agit là d’un document jusqu’ici pratiquement unique dans l’architecture islamique d’Occident. L’étude de cette épure passe par la compréhension et la mise en évidence de l’importance et de la nature du rôle tenu par la porte elle-même, monument exceptionnel lui aussi, tant par ses qualités esthétiques que par le message qu’il était censé transmettre. Pour cela, il était nécessaire de dresser un état le plus détaillé possible des appareils et des décors des deux façades monumentales de la porte et d’analyser de façon scrupuleuse le contenu des inscriptions qui s’y déploient. À ce titre, les documents élaborés à partir des relevés photogrammétriques présentés dans cet article constituent, par leur précision, une première pour l’architecture mérinide. L’étude épigraphique montre par ailleurs comment, dans une dynamique d’expansion du šarīfisme, le sultan mérinide, Amīr al-muslimīn, sacralise sa personne et son pouvoir, en adoptant le titre de Mawlà et divers laqab-s en « Allāh ». Que cette porte monumentale donne accès à un ribāṭ prend alors tout son sens tandis que se confirme que l’épure était bien destinée au propre sultan, bâtisseur par excellence.

Mots-clés: 
épure d’architecture; porte d’apparat; Šālla; Mérinides; épigraphie arabe; ribāṭ.
ABSTRACT

At the internal face of the Merinid walls of Šālla, there are preserved the remains of a sketch engraved and painted on the fresh surface of the rammed earth (ṭābiya). This sketch is therefore contemporary to the building of the monumental entrance gate and it is a preliminary version, slightly different from its main current façade. It is a unique document in the western Islamic architecture. To study this sketch, it is necessary to understand the nature and relevance of the role played by the gate itself. On the other hand, this gate is an exceptional building on its own, both for its aesthetic qualities and for the message it had to transmit. With this aim, it was crucial to establish a detailed record of the masonry and ornamentation of the two monumental facades of the gate, and to accurately analyse the content of their inscriptions. In this regard, the documents produced from the photogrammetric surveys and presented in this article are of the highest level of precision, being thereby unique in the field of Merinid architecture studies. The epigraphic study also shows how -within the dynamic of expansion of šarīfism- the Merinid sultan, Amīr al-muslimīn, sacralises his own person and his power by adopting the title of Mawlà and various laqab-s in “Allāh”. The fact that this door gives access to a ribāṭ fits perfectly, while it is confirmed that the sketch is intended for the sultan himself, the builder par excellence.

Key words: 
architectural sketch; ceremonial gate; Šālla; Merinids; Arabic epigraphy; ribāṭ.
RESUMEN

La muralla meriní de Šālla conserva en su cara interior los vestigios de un boceto inciso y pintado en el tapial todavía fresco. Contemporáneo de la construcción de la puerta de aparato que da acceso al recinto, representa una versión preliminar, y ligeramente distinta, de su fachada actual principal. Se trata de un documento único en la arquitectura islámica occidental. El estudio de este boceto pasa por la comprensión y la puesta en evidencia de la importancia y de la naturaleza del papel dado a la puerta misma, siendo también ella un monumento excepcional tanto por sus cualidades estéticas como por el mensaje que tenía que trasmitir. Por ello, era imprescindible establecer un estado pormenorizado de los aparejos constructivos y de la ornamentación de las dos fachadas monumentales de la puerta y analizar escrupulosamente el contenido de las inscripciones que se desarrollan en ellas. A este respecto, los documentos elaborados a partir de los levantamientos fotogramétricos y presentados en este artículo no tienen equivalente, por su grado de precisión, en el campo de los estudios de la arquitectura meriní. El estudio epigráfico muestra, además, cómo -en una dinámica de expansión del šarīfismo- el sultán meriní, Amīr al-muslimīn, sacraliza su persona y su poder adoptando el título de Mawlà y diversos laqab-s en “Allāh”. El hecho de que esta puerta dé acceso a un ribāṭ adquiere así pleno sentido, mientras que se confirma que el boceto estaba destinado al propio sultán, constructor por excelencia.

Palabras clave: 
boceto arquitectónico, puerta de aparato, Šālla, Meriníes, epigrafía árabe, ribāṭ.

Recibido: 10-06-2020. Aceptado: 08-09-2020. Publicado: 10-05-2021

Cómo citar este artículo/Citation: Cressier, P., Gurriarán Daza, P., Márquez Bueno, S., Martínez Núñez, M. A., Touri, A. 2021: "Un cas unique d’épure d’architecture en Occident islamique. La représentation de l’arc et du décor de la grande porte mérinide de Šālla (Rabat)", Arqueología de la Arquitectura, 18: e116. https://doi.org/10.3989/arq.arqt.2021.008

CONTENIDO

INTRODUCTION

 

Des cas d’épures de plans ou d’élévations d’édifices majeurs ou de certains de leurs éléments architectoniques (arcs, voûtes, etc.), tracées sur les parois mêmes de ceux-ci (incisées ou peintes sur l’enduit ou sur la pierre), ne sont pas rares dans le monde occidental médiéval, en particulier dans le cadre des chantiers de grands complexes religieux (par exemple Calvo et al. 2015Calvo, J., Alonso, M. A., Taín, M. et Camiruaga, I. 2015 : “Métodos de documentación, análisis y conservación de trazados arquitectónicos a tamaño natural”, Arqueología de la arquitectura, 12, e026. https://doi.org/10.3989/arq.arqt.2015.024. ; Arrúe Ugarte et al. 2021Arrúe Ugarte, B., Valle Melón, J. M., Rodríguez Miranda, A. et Elorriaga Arriaga, G. 2021 “Las monteas y trazados de arquitectura del claustro bajo del monasterio de San Millán de la Cogolla, de Yuso (La Rioja, España), su registro, preservación y difusión”, Arqueología de la Arquitectura, 18, e114. https://doi.org/10.3989/arq.arqt.2021.006 ).

En revanche, on n’en connaît pratiquement aucun équivalent dans le monde islamique. Car il ne s’agit en effet ni de simples graffiti, comme ceux des maçons constructeurs de Madīnat al-Zahrā’ (Barrera Maturana et al. 1999Barrera Maturana, J. I., Cressier, P. et Molina López, J. A. 1999 : “Garabatos de alarifes: los graffiti de las galerías de desagüe de Madīnat al-Zahrā’”, Cuadernos de Madīnat al-Zahrā’, 4, pp. 39-81) ou, à Šālla même, ceux de visiteurs, largement postérieurs à la construction (Campardou et Basset 1921Campardou, J. et Basset, H. 1921 : “Graffiti de Chella”, Hespéris, I, pp. 87-90. ; Bazzana et Montmessin 2015Bazzana, A. et Montmessin, Y. 2015 : “Les graffiti de bateaux du Chellah de Rabat et de la qasba de Chefchaouen”, dans A. Akerraz, A. S. Ettahiri et M. Kbiri Allaoui (dir.), Hommage à Joudia Hassar-Benslimane, t. 2, pp. 475-488. Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine, Rabat.), ni de tracés préparatoires à la mise en place, par-dessus ceux-ci, d’un décor sculpté, moulé ou peint (Ruiz de la Rosa 1996Ruiz de la Rosa, J. A. 1996 : “La arquitectura islámica como forma controlada. Algunos ejemplos en al-Andalus”, dans Arquitectura en al-Andalus. Documentos para el siglo XXI, pp. 27-54. Lunwerg - El Legado andalusí, Barcelone-Madrid.). De tels tracés régulateurs sont en effet fréquemment signalés à propos de restauration de décors pariétaux islamiques, tant au Maghreb qu’en péninsule Ibérique, ainsi très récemment lors des fouilles menées à la Cour des Lions de l’Alhambra de Grenade.

Parmi les exceptionnels cas connus de véritables dessins d’architecture sur pierre, béton ou enduit, le plus ancien est peut-être celui du qaṣr omeyyade de Mšattā (744) en Jordanie. Au moins deux des grandes compositions incisées dans la pierre sont en effet reconnues comme étant les épures de systèmes d’arcades construites ensuite dans ce palais (Perlich 2010 : fig. 4, 5, 9 et 10Perlich, B. 2010 : “Ritzzeichnungen am Qasr al-Mschatta. Neue Einsichten in das frühislamische Bauwesen”, Architectura, 40, pp. 135-146.).

Pour al-Andalus, on citera bien sûr le schéma directeur d’un arc trilobé relevé par R. Velázquez Bosco dans la cité califale de Madīnat al-Zahrā’ et aujourd’hui disparu (Velázquez Bosco 1912 : pl. XXIIIVelázquez Bosco, R. 1912 : Arte del Califato de Córdoba. Medina Azzahra y Alamiriya. Junta para Ampliación de Estudios e Investigaciones Científicas, Madrid. ; López-Cuervo 1985: fig. 72López-Cuervo, S. 1985 : Medina az-Zahra. Ingeniería y formas. Servicio de Publicaciones del MOPU, Madrid. ; Barrera Maturana 2008 : 88, fig. 12Barrera Maturana, J. I. 2008 : “Nuevos graffiti en Madīnat al-Zahrā’”, Cuadernos de Madīnat al-Zahrā’, 6, pp. 53-92.), ainsi que les croquis, tracés à l’encre sur divers tailloirs de l’agrandissement d’al-Ḥakam II, dans la grande mosquée de Cordoue (962-966). Il s’agit, d’une part, de projections en plan des systèmes d’arcs de trois coupoles nervées (Souto Lasala 2003 : fig. 4 à 8Souto Lasala, J. A. 2003 : “Glyptographie omeyyade : croquis de travailleurs de la grande mosquée de Cordoue”, dans Actes du XIII e Colloque International de Glyptographie de Venise, pp. 361-384. Braine-le-Château.) et, d’autre part, d’un arc trilobé inscrit dans un cadre rectangulaire (Souto Lasala 2005 : fig. 3 et 4Souto Lasala, J. A. 2005 : “Glyptographie omeyyade : croquis de travailleurs de la grande mosquée de Cordoue. Nouvelles découvertes”, dans Actes du XIV e Colloque International de Glyptographie de Chambord, pp. 423-443. Éd. de la Taille d’Aulme, Braine-le-Château.). Malgré l’intérêt majeur présenté par ces dessins, leurs très petites dimensions interdisent d’y voir des épures au sens strict6Auparavant, l’ensemble monumental avait fait l’objet d’une description encore incomplète et confuse dans Villes et tribus du Maroc, Mission Scientifique du Maroc, 1918 : 40-51Mission Scientifique du Maroc 1918 : Villes et tribus du Maroc, vol. 3, Rabat et sa région, t. I, Les villes avant la conquête. É. Leroux, Paris.. Le livre d’E. Pauty (1944)Pauty, E. 1944 : Le site de Chella à travers les âges. École du Livre, Rabat. n’apporte presque rien. Dans sa monographie de Rabat avant le protectorat, J. Caillé évoque à peine le site, qu’il comprend comme une ville distincte (Caillé 1949 : t. I, 180-181Caillé, J. 1949 : La ville de Rabat jusqu’au protectorat français. Histoire et archéologie, Publications de l’Institut des Hautes Études Marocaines XLIV. Éditions d’Art et d’Histoire, Paris (3 vol.). ). Nécropole, sanctuaire ou ribāṭ, Šālla ne s’inscrit pas moins, en effet, dans la lignée des fondations urbaines mérinides (Cressier 2020Cressier, P. 2020 : “Los sultanes meriníes, fundadores de ciudades”, dans Á. Muñoz Fernández et F. Ruiz Gómez (éd.), La ciudad medieval. Nuevas aproximaciones. Servicio de Publicaciones de la Universidad de Cádiz, Cádiz.). Les résultats des fouilles réalisées dans les années 1960 par I. ‘Uṯmān ‘Uṯmān (1975‘Uṯmān ‘Uṯmān, I. 1390/1975 : Tā’rīḫ Šālla al-Islāmiyya : Ṣafaḥāt ğadīda fī tā’rīḫ al-Maġrib al-Aqṣā minaṣr al-Adārisa ilā nihāyat ‘aṣr al-Marīniyyīn. Dār al-Ṯaqāfa, Beyrouth. et 1978)‘Uṯmān ‘Uṯmān, I. 1978 : Ḥafā’ir Šālla al-Islāmiyya: Abḥāṯ tā’rīḫiyya wa-kušūf aṯariyya bi-l-Maġrib al-Aqṣā. Dār al-Ṯaqāfa, Beyrouth. sont inexploitables quoi qu’en pensent des auteurs récents (Nagy 2014 : 134Nagy, P. T. 2014 : “Sultans’ Paradise: The Royal Necropolis of Shāla, Rabat”, Al-Masaq: Journal of the Medieval Mediterranean, 26:2, pp. 132-146. https://doi.org/10.1080/09503110.2014.915103 ) ; parmi les problèmes posés, soulignons l’inexistence de toute documentation archéologique venant appuyer les hypothèses et les datations avancées (ce que confirme l’absence d’appareil iconographique original) ou l’assimilation excessive de la Sala du haut Moyen Âge avec le site de Šālla, dans la droite ligne, hélas, de la page que Wikipedia consacre à ce complexe monumental (tant dans la version française qu’anglaise : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chellah et https://en.wikipedia.org/wiki/Chellah; dernière consultation le 16 septembre 2020). Ces dernières années, l’intérêt pour cet ensemble exceptionnel s’est accru (El Khayari et al 1998El Khayari, A., Ettahiri, A. S. et Kbiri-Alaoui, M. 1998 : “Chellah, de l’Antiquité aux pélerinage-moussem”, Nouvelles Archéologiques et Patrimoniales, 2, pp. 4-6. ; Pietrobelli 2001Pietrobelli, A. 2001 : “Chella mystérieux ou l’archéologie d’un paysage”, dans Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire, 45 [Paysages et jardins des Méditerranéens], pp. 116-129. https://doi.org/10.3406/horma.2001.1992 ; Tuil-Leonetti 2011Tuil Leonetti, B. 2011 : Inhumation et baraka. La tombe du Saint dans la ville de l’Occident musulman au Moyen Âge (XII e -XV e siècle), Mémoire de doctorat, Université de Paris IV-Sorbonne, Paris. ; Ettahiri et Tuil-Leonetti 2014Ettahiri, A. S. et Tuil Leonetti, B. 2014 : “Chella, de la nécropole mérinide au royaume des djinns”, dans Y. Lintz, C. Déléry et B. Tuil Leonetti (dir), Maroc médiéval. Un empire de l’Afrique à l’Espagne, pp. 503-505. Hazan-Louvre Éditions, Paris. ; Martínez Núñez et al. 2016Martínez Núñez, M. A., Cressier, P., Márquez Bueno, S. et Gurriarán Daza, P. 2016 : “La qubba funeraria del sultán Abū l-Ḥasan en Šāllah (Rabat, Marruecos)”, Norba. Revista de Arte, 36, pp. 9-41. ; Terrasse 2017Terrasse, M. 2017 : “Un brillant chapitre de l’architecture marocaine : La période mérinide”, Hespéris-Tamuda, LII (3), pp. 135-150. ; Nagy 2014Nagy, P. T. 2014 : “Sultans’ Paradise: The Royal Necropolis of Shāla, Rabat”, Al-Masaq: Journal of the Medieval Mediterranean, 26:2, pp. 132-146. https://doi.org/10.1080/09503110.2014.915103 , 2019Nagy, P. T. 2019 : “The Ka‘ba, paradise, and Ibn al-Khaṭīb in Shālla (Rabat): the ‘work’ of 14th century marīnid funerary complex”, Miscelanea de Estudios Árabes e Islámicos [Sección árabe-islam], 68, pp. 263-293. https://doi.org/10.30827/meaharabe.v68i0.1000 ), y compris dans la perspective d’aménagements muséistiques plus ou moins bienvenus, ou de projets de restauration plus ou moins bien inspirés (Asebriy et al. 2007Asebriy, L., Bucci, C., El Amrani, I.-E., Franchi, R., Guerrera, F., Martín Martín, M., Patamìa, Cl., Raffaelli, G., Robles Marín, P., Tejera de León, J. et Tentoni, L. 2007 : “Étude intégrée de la dégradation des monuments historiques Romains et Islamiques de la ville de Rabat, Maroc. Proposition de solutions durables de prévention et de restauration”, Science and Technology for Cultural Heritage, 16 (1-2), pp. 45-66. https://www.researchgate.net/publication/264708777_Etude_integree_de_la_degradation_des_monuments_historiques_Romains_et_Islamiques_de_la_ville_de_Rabat_Maroc_proposition_de_solutions_durables_de_prevention_et_de_restauration ; Hadda et Jacobelli 2008Hadda, L. et Jacobelli, L. 2008 : Le Parc archéologique de Chella. L’Isola dei Ragazzi, Napoli. ; Terrisse 2011Terrisse, M. 2011 : Les musées de sites archéologiques appréhendés en tant que vecteurs de développement local à travers de trois études de cas préfigurant la mise en valeur opérationnelle du site de Chellah, Mémoire de Doctorat, Université du Maine, https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00654271. ; Roccon 2012Roccon, B. 2012 : La cinta muraria di Chellah. Progetto di Conservazione e Valorizzazionehttps://www.behance.net/gallery/3587275/Restauro-della-Cinta-Muraria-di-Chellah-Rabat?tracking_source=search_projects_recommended%7Cchellah ; Cavallari et al. 2013Cavallari, A., Gatti, M., Giberti, M., Hejira, H. et Roccon, B. 2013 : “Il sito archeologico-monumentale di Chellah, Rabat, tra storia e natura”, dans 29º Convegno Internazionale Scienza e Beni Culturali, Conservazione e valorizzazione dei siti archeologici: approcci scientifici e problemi di metodo. Bressanone, 9-10 Iuglio 2013, pp. 1103-1114. Marghera ; Belhaj et al. 2016Belhaj, S., Bahi, L et Akhssas, A. 2016 : “Study of Moroccan Monumental Heritage Traditional for Valorization and Conservation of Collective Memory and for Socio-eco-Tourism Sustainable Development-case Kasbah Chellah, Rabat”, Energy Procedia. https://doi.org/10.1016/j.egypro.2016.10.068 ; Benharbit et Hajila 2017Benharbit, M. et Hajila, R. 2017 : “Quand la restauration entrave la durabilite : Cas du site archéologique de Chellah à Rabat”, dans D. Pittaluga et F. Fratini (éd.), Conservation et valorisation du patrimoine architectural et paysagé des sites côtiers méditerranéens. Ripam 7, p. 175. Milan ; etc.)..

Il existe cependant au Maroc un document exceptionnel par ses dimensions, la qualité de son état de conservation et l’information potentielle qu’il renferme quant à l’organisation et au fonctionnement des chantiers de construction princiers en Islam d’Occident. C’est l’épure de l’arc de la porte principale de la cité funéraire mérinide de Šālla à Rabat, tracée approximativement à l’échelle 1/1 dans la ṭābiya encore fraîche de la paroi interne de la muraille, immédiatement au nord-ouest de la porte elle-même, au moment sans doute de l’édification de celle-ci (Fig. 1). Il convient de signaler ici un possible précédent almohade : un système d’arcs lobés incisé dans l’enduit des parois de l’une des ouvertures éclairant la rampe intérieure du minaret de la mosquée Kutubiyya à Marrakech (Jiménez Martín 1996 : p. 88 et photo s/n p. 90Jiménez Martín, A. 1996 : “Unos dibujos de Marrakech”, EGA. Revista de Expresión Gráfica Arquitectónica, 4, pp. 88-93.). Mais l’absence de représentation à l’échelle - photographie ou dessin - ainsi que de toute précision sur les caractéristiques de l’incision dans le mortier ne permettent malheureusement pas d’inclure ce document dans le débat.

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Figure 1.  Plan général de l’enceinte de Šālla et des principaux ensembles monumentaux médiévaux qu’elle enferme. A. Porte d’apparat (accès principal) ; B. Emplacement de l’épure architecturale mérinide étudiée dans cet article ; C. Bāb ‘Ayn Aǧanna ; D. Bāb al-Basātīn ; E. Ḫalwa, complexe religieux et funéraire ; F. Funduq ; G. Ḥammām (© Les auteurs).

Pour en revenir à Šālla, rappelons que l’enceinte fut édifiée en 1339 par le sultan mérinide Abū l-Ḥasan (r. 1331-1348) pour conférer définitivement un caractère « urbain » à la nécropole princière qui s’était constituée depuis un peu plus d’un demi-siècle sur l’emplacement de l’établissement antique de Sala. En 1284, en effet, y avait été inhumée Umm al-‘Izz, épouse d’Abū Yūsuf Ya‘qūb (r. 1258-1286) et mère d’Abū Ya‘qūb Yūsuf (r. 1286-1307).

La première et la seule monographie consacrée à Šālla, œuvre de H. Basset et É. Lévi-Provençal (1922Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425., 1923)Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1923 : Chella. Une nécropole mérinide. E. Larose, Paris., est aujourd’hui encore incontournable, même si elle nécessiterait une sérieuse mise à jour7Auparavant, l’ensemble monumental avait fait l’objet d’une description encore incomplète et confuse dans Villes et tribus du Maroc, Mission Scientifique du Maroc, 1918 : 40-51Mission Scientifique du Maroc 1918 : Villes et tribus du Maroc, vol. 3, Rabat et sa région, t. I, Les villes avant la conquête. É. Leroux, Paris.. Le livre d’E. Pauty (1944)Pauty, E. 1944 : Le site de Chella à travers les âges. École du Livre, Rabat. n’apporte presque rien. Dans sa monographie de Rabat avant le protectorat, J. Caillé évoque à peine le site, qu’il comprend comme une ville distincte (Caillé 1949 : t. I, 180-181Caillé, J. 1949 : La ville de Rabat jusqu’au protectorat français. Histoire et archéologie, Publications de l’Institut des Hautes Études Marocaines XLIV. Éditions d’Art et d’Histoire, Paris (3 vol.). ). Nécropole, sanctuaire ou ribāṭ, Šālla ne s’inscrit pas moins, en effet, dans la lignée des fondations urbaines mérinides (Cressier 2020Cressier, P. 2020 : “Los sultanes meriníes, fundadores de ciudades”, dans Á. Muñoz Fernández et F. Ruiz Gómez (éd.), La ciudad medieval. Nuevas aproximaciones. Servicio de Publicaciones de la Universidad de Cádiz, Cádiz.). Les résultats des fouilles réalisées dans les années 1960 par I. ‘Uṯmān ‘Uṯmān (1975‘Uṯmān ‘Uṯmān, I. 1390/1975 : Tā’rīḫ Šālla al-Islāmiyya : Ṣafaḥāt ğadīda fī tā’rīḫ al-Maġrib al-Aqṣā minaṣr al-Adārisa ilā nihāyat ‘aṣr al-Marīniyyīn. Dār al-Ṯaqāfa, Beyrouth. et 1978)‘Uṯmān ‘Uṯmān, I. 1978 : Ḥafā’ir Šālla al-Islāmiyya: Abḥāṯ tā’rīḫiyya wa-kušūf aṯariyya bi-l-Maġrib al-Aqṣā. Dār al-Ṯaqāfa, Beyrouth. sont inexploitables quoi qu’en pensent des auteurs récents (Nagy 2014 : 134Nagy, P. T. 2014 : “Sultans’ Paradise: The Royal Necropolis of Shāla, Rabat”, Al-Masaq: Journal of the Medieval Mediterranean, 26:2, pp. 132-146. https://doi.org/10.1080/09503110.2014.915103 ) ; parmi les problèmes posés, soulignons l’inexistence de toute documentation archéologique venant appuyer les hypothèses et les datations avancées (ce que confirme l’absence d’appareil iconographique original) ou l’assimilation excessive de la Sala du haut Moyen Âge avec le site de Šālla, dans la droite ligne, hélas, de la page que Wikipedia consacre à ce complexe monumental (tant dans la version française qu’anglaise : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chellah et https://en.wikipedia.org/wiki/Chellah; dernière consultation le 16 septembre 2020). Ces dernières années, l’intérêt pour cet ensemble exceptionnel s’est accru (El Khayari et al 1998El Khayari, A., Ettahiri, A. S. et Kbiri-Alaoui, M. 1998 : “Chellah, de l’Antiquité aux pélerinage-moussem”, Nouvelles Archéologiques et Patrimoniales, 2, pp. 4-6. ; Pietrobelli 2001Pietrobelli, A. 2001 : “Chella mystérieux ou l’archéologie d’un paysage”, dans Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire, 45 [Paysages et jardins des Méditerranéens], pp. 116-129. https://doi.org/10.3406/horma.2001.1992 ; Tuil-Leonetti 2011Tuil Leonetti, B. 2011 : Inhumation et baraka. La tombe du Saint dans la ville de l’Occident musulman au Moyen Âge (XII e -XV e siècle), Mémoire de doctorat, Université de Paris IV-Sorbonne, Paris. ; Ettahiri et Tuil-Leonetti 2014Ettahiri, A. S. et Tuil Leonetti, B. 2014 : “Chella, de la nécropole mérinide au royaume des djinns”, dans Y. Lintz, C. Déléry et B. Tuil Leonetti (dir), Maroc médiéval. Un empire de l’Afrique à l’Espagne, pp. 503-505. Hazan-Louvre Éditions, Paris. ; Martínez Núñez et al. 2016Martínez Núñez, M. A., Cressier, P., Márquez Bueno, S. et Gurriarán Daza, P. 2016 : “La qubba funeraria del sultán Abū l-Ḥasan en Šāllah (Rabat, Marruecos)”, Norba. Revista de Arte, 36, pp. 9-41. ; Terrasse 2017Terrasse, M. 2017 : “Un brillant chapitre de l’architecture marocaine : La période mérinide”, Hespéris-Tamuda, LII (3), pp. 135-150. ; Nagy 2014Nagy, P. T. 2014 : “Sultans’ Paradise: The Royal Necropolis of Shāla, Rabat”, Al-Masaq: Journal of the Medieval Mediterranean, 26:2, pp. 132-146. https://doi.org/10.1080/09503110.2014.915103 , 2019Nagy, P. T. 2019 : “The Ka‘ba, paradise, and Ibn al-Khaṭīb in Shālla (Rabat): the ‘work’ of 14th century marīnid funerary complex”, Miscelanea de Estudios Árabes e Islámicos [Sección árabe-islam], 68, pp. 263-293. https://doi.org/10.30827/meaharabe.v68i0.1000 ), y compris dans la perspective d’aménagements muséistiques plus ou moins bienvenus, ou de projets de restauration plus ou moins bien inspirés (Asebriy et al. 2007Asebriy, L., Bucci, C., El Amrani, I.-E., Franchi, R., Guerrera, F., Martín Martín, M., Patamìa, Cl., Raffaelli, G., Robles Marín, P., Tejera de León, J. et Tentoni, L. 2007 : “Étude intégrée de la dégradation des monuments historiques Romains et Islamiques de la ville de Rabat, Maroc. Proposition de solutions durables de prévention et de restauration”, Science and Technology for Cultural Heritage, 16 (1-2), pp. 45-66. https://www.researchgate.net/publication/264708777_Etude_integree_de_la_degradation_des_monuments_historiques_Romains_et_Islamiques_de_la_ville_de_Rabat_Maroc_proposition_de_solutions_durables_de_prevention_et_de_restauration ; Hadda et Jacobelli 2008Hadda, L. et Jacobelli, L. 2008 : Le Parc archéologique de Chella. L’Isola dei Ragazzi, Napoli. ; Terrisse 2011Terrisse, M. 2011 : Les musées de sites archéologiques appréhendés en tant que vecteurs de développement local à travers de trois études de cas préfigurant la mise en valeur opérationnelle du site de Chellah, Mémoire de Doctorat, Université du Maine, https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00654271. ; Roccon 2012Roccon, B. 2012 : La cinta muraria di Chellah. Progetto di Conservazione e Valorizzazionehttps://www.behance.net/gallery/3587275/Restauro-della-Cinta-Muraria-di-Chellah-Rabat?tracking_source=search_projects_recommended%7Cchellah ; Cavallari et al. 2013Cavallari, A., Gatti, M., Giberti, M., Hejira, H. et Roccon, B. 2013 : “Il sito archeologico-monumentale di Chellah, Rabat, tra storia e natura”, dans 29º Convegno Internazionale Scienza e Beni Culturali, Conservazione e valorizzazione dei siti archeologici: approcci scientifici e problemi di metodo. Bressanone, 9-10 Iuglio 2013, pp. 1103-1114. Marghera ; Belhaj et al. 2016Belhaj, S., Bahi, L et Akhssas, A. 2016 : “Study of Moroccan Monumental Heritage Traditional for Valorization and Conservation of Collective Memory and for Socio-eco-Tourism Sustainable Development-case Kasbah Chellah, Rabat”, Energy Procedia. https://doi.org/10.1016/j.egypro.2016.10.068 ; Benharbit et Hajila 2017Benharbit, M. et Hajila, R. 2017 : “Quand la restauration entrave la durabilite : Cas du site archéologique de Chellah à Rabat”, dans D. Pittaluga et F. Fratini (éd.), Conservation et valorisation du patrimoine architectural et paysagé des sites côtiers méditerranéens. Ripam 7, p. 175. Milan ; etc.)..

Les restes de l’épure que nous étudions ici sont pratiquement inédits car seule une photographie et une courte description en furent publiées, en 1932, dans une revue locale destinée au grand public, par J. Borély, leur découvreur (1932 : fig. p. 13)Borély, J. 1932 : “Chella et l’archéologie”, La vie marocaine illustrée [Numéro thématique Tourisme], pp. 11-15. (Fig. 2). Celui-ci, alors chef du Service des Beaux-Arts et des Monuments historiques, venait de mener des fouilles sur le site, aidé de la mystérieuse princesse égyptienne Khadija Riaz Bey. Deux d’entre nous - P. Cressier et A. Touri - pûmes procéder à des observations sur cette épure durant l’été 1976 dans le cadre de la mission archéologique maroco-française à Belyounech dirigée par J. Hassar-Benslimane et M. Terrasse (Fig. 3), mais le relevé sur calque alors effectué ne donna jamais lieu à publication, peut-être parce qu’il resta incomplet. Après une première tentative de reprise de la question en 2007, tronquée par le décès du principal participant, notre regretté collègue et ami Ch. Ewert - membre alors de l’Institut archéologique allemand de Madrid -, nous avons finalement mené cette étude en 2013, dans un autre contexte et mettant à profit les progrès technologiques survenus durant ces presque quarante années8La mission sur le terrain a été menée à bien les 11-13 février 2013 grâce à un financement attribué par le CIHAM (UMR 5648, CNRS, Lyon) et avec l’autorisation de la Direction du Patrimoine Culturel (nº 894 du 2 novembre 2012), dont le directeur était à l’époque M. Abdallah Alaoui. Outre celui-ci, nous tenons à remercier M. Aomar Akerraz (ex-Directeur de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine, Rabat), et M. Hicham Rguig (ex-conservateur de Chella) pour leur appui à ce projet et pour l’accueil qu’ils nous ont réservé à Rabat..

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Figure 2.  Photographie partielle de l’épure de la porte d’apparat de Šālla lors de la fouille menée par J. Borély et la princesse Kh. Riaz Bey durant l’hiver 1929-1930. (selon Borély 1932 : 13Borély, J. 1932 : “Chella et l’archéologie”, La vie marocaine illustrée [Numéro thématique Tourisme], pp. 11-15.).
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Figure 3.  Palmette incisée et peinte de l’épure de la porte d’apparat de Šālla. État en 1976 (© Les auteurs).

Comme nous allons le voir en détail plus avant, ce témoignage de l’art des constructeurs mérinides comprend le tracé régulateur de la partie supérieure du grand arc polylobé de la porte principale, incisé au compas, ainsi que le décor végétal prévu pour les écoinçons (entrelacs de palmes lisses timbré d’une coquille) et le médaillon quadrilobé sommital renfermant une inscription, peints en rouge brique. Dans sa version définitive, ce qui n’est ici qu’ébauché fut réinterprété et sculpté dans la pierre.

Cet article se donne donc pour but de faire connaître cet exceptionnel document aux archéologues, architectes et historiens de l’art, spécialistes du domaine islamique. Dans la mesure où s’impose pour cela une comparaison minutieuse avec le décor monumental de la porte d’apparat tel qu’il fut finalement sculpté, nous choisîmes de relever non seulement l’ébauche peinte et incisée mais aussi les deux façades, intérieure et extérieure, de ce monument. Les relevés architecturaux se devaient d’atteindre une précision maxima pour que l’étude comparative fût fiable et pour pouvoir déterminer avec certitude la possible relation entre épure et façade, en ce qui concerne tant la structure géométrique sous-jacente que le répertoire ornemental formel. Les ortho-relevés, qui sont le support même de ce travail, ont été obtenus à partir de nuages de points 3D restitués grâce au programme informatique Photoscan. Le dessin constituant en lui-même un travail d’analyse de parements aussi simple qu’efficace, l’interprétation des appareils constructifs et des décors ainsi effectuée a débouché sur l’élaboration de représentations vectorielles, qui sont ensuite aisément manipulables. Dans le cas présent, les aspects stratigraphiques et évolutifs sont relégués à un second plan, car l’édifice est pratiquement monophasique, affecté seulement de transformations très ponctuelles, et bien daté par l’épigraphie qui contribue à son décor. C’est donc bien sur la composition, tant des éléments constructifs que de l’ornementation architecturale, que se concentrera l’attention.

Notons que ces représentations vectorielles de haute précision constituent en elles-mêmes un résultat essentiel de ce travail. Elles ont vocation à servir de base à tout moment à d’autres types de recherche, sur l’édifice comme sur des monuments similaires. Elles sont ici accompagnées d’une description détaillée qui met en relief tout à la fois les nouveautés apportées par les architectes mérinides au regard de leurs prédécesseurs et le poids de l’héritage qu’ils eurent à assumer. Pour être conséquent avec cet esprit de comparaison, il convenait d’intégrer l’analyse épigraphique à cette étude, tant parce que l’œuvre finale est - de ce point de vue - une variante du projet de l’épure, que parce que l’inscription principale rend compte du rôle de bâtisseur ostensiblement assumé par le sultan mérinide.

1. LES FAÇADES DE LA PORTE D’APPARAT DE ŠĀLLA

 

1.1. Les appareils constructifs

 

H. Basset et É. Lévi-Provençal (1923 : 42-57)Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1923 : Chella. Une nécropole mérinide. E. Larose, Paris. se sont déjà penchés sur la question des appareils constructifs de l’enceinte de Šālla et en particulier ceux de sa porte principale. Dans la mesure où la question n’a que peu de liens directs avec celles que nous nous proposons d’examiner dans le présent article, nous nous limiterons à procéder à quelques rappels. Tant les deux tours de flanquement que les façades extérieure et intérieure ont été édifiées en pierre de taille aux jointures pratiquement invisibles ainsi que le permet le grès calcaire local auquel il a été fait recours (Fig. 4). Cependant ce sont les parements seuls qui ont été traités ainsi, le cœur de la construction étant constitué d’une maçonnerie de blocaille. Le marbre et les matériaux similaires se limitent aux consoles, fûts et chapiteaux des écoinçons du plan E de la façade extérieure. S’y ajoutent de discrets éléments de céramiques incrustés dans les nœuds de la frise de petits arcs du niveau supérieur de celle-ci. Tout comme dans d’autres portes monumentales mérinides, ces éléments portaient à l’origine une glaçure de couleur (Fig. 5).

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Figure 4.  Façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla. Vue d’ensemble (© Les auteurs).
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Figure 5.  Façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla. Incrustation d’éléments de céramique glaçurée dans l’arcature de la frise épigraphiée supérieure (© Les auteurs).

Les autres parties de l’édifice ont été élevées en briques pour les voûtes et en maçonnerie de moellons ou en ṭābiya pour les murs dont la surface a été recouverte de plusieurs couches d’enduit de chaux. Jusqu’aux très récentes (2019) « restaurations » de l’enceinte de ṭābiya, celle-ci conservait encore en différents points des lambeaux du revêtement original. Celui-ci portait un faux appareil de grand module, dessiné par de larges rubans de chaux et héritier de modèles almohades bien étudiés par ailleurs (Azuar Ruiz 2005Azuar Ruíz, R. 2005 : “Aspectos simbólicos de la arquitectura militar almohade. El falso despiece de sillería y las bóvedas de arcos entrecruzados”, dans P. Cressier, M. Fierro et L. Molina (éd.), Los almohades: problemas y perspectivas, Estudios Árabes e Islámicos. Monografías 11, t. I, pp. 123-147. Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid.). En 2013, était encore visibles, à l’angle saillant nord-ouest de la porte, un faux appareil de plus petit module en accord avec celui de la pierre utilisée sur les autres faces (Fig. 6).

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Figure 6.  Enceinte de ṭābiya. Angle nord-ouest de la porte principale. Petit appareil de pierre de taille simulé par de faux joints de chaux (© Les auteurs).

1.2. La façade extérieure de la porte d’apparat

 

On prendra mieux conscience de la nécessité qu’il y avait à établir un relevé photogrammétrique détaillé de la façade de la grande porte de Šālla, qui permît de comparer l’épure avec l’état définitif de cette façade, si l’on confronte le document que nous avons élaboré (Fig. 7 et 11) avec la seule représentation graphique de la façade publiée jusqu’à présent, le dessin de J. Hainaut du début des années 1920 (Fig. 8).

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Figure 7.  Relevé photogrammétrique de la façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).
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Figure 8.  La façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla. Dessin à la plume de J. Hainaut (selon H. Basset et É. Lévi-Provençal 1923 : fig. 5, p. 54Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1923 : Chella. Une nécropole mérinide. E. Larose, Paris.).

Mais revenons auparavant sur quelques caractéristiques de cette porte. Celle-ci constitue un corps de bâtiment barlong, saillant à l’intérieur de l’enceinte et flanqué à l’extérieur de deux tours polygonales. L’accès se fait en simple coude et les deux façades ornées s’élèvent donc perpendiculairement l’une à l’autre (Fig. 9).

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Figure 9.  Porte d’apparat de Šālla. Plan simplifié (© Les auteurs).

La façade extérieure s’organise en cinq plans se succédant à des niveaux de profondeur croissants depuis le cadre de la composition. Pour en faciliter la description nous leur assignerons les lettres A à E, du plus au moins profond (Fig. 7 et 10). Ainsi A correspond au plan des piédroits et de la voussure de l’arc lui-même, B à l’arc lobé enserrant le précédent et issu des volutes serpentiformes héritées des modèles almohades et C à un second arc lobé dans lequel B est inscrit, régi différemment et dont la clef est couplée avec le médaillon quadrilobé. À l’œil, cet arc paraît issu des colonnes taillées dans la superficie lisse des jambages. Les écoinçons et leur décor d’entrelacs végétaux timbrés de coquilles définissent le plan C, en ressaut. D est défini par le triple bandeau épigraphique, ajusté à la bordure des écoinçons du plan précédent et à la frise de motifs-types coufiques couronnant la porte. Finalement, E inclut les pilastres et leurs respectives colonnettes surmontées de corbeaux, qui flanquent le haut de la composition. Il est probable qu’un crénelage couronnait la corniche supérieure ainsi que le laissent entendre les restes d’un merlon dentelé encore visible en haut de la façade intérieure de la porte d’accès, cette dernière étant de conception beaucoup plus simple comme nous le verrons infra.

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Figure 10.  Façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla. Succession des plans supportant le décor. Profondeur décroissante de A à E (© Les auteurs).

La façade extérieure est flanquée de deux tours de plan polygonal à la base, devenant quadrangulaire dans leur partie supérieure par l’intermédiaire d’un jeu de muqarnas. Outre ces éléments de décor fonctionnels, les tours supportent également un niveau en ressaut sur lequel court un ruban noué, des motifs-types épigraphiques en coufique, des médaillons lobés enfermant une inscription en cursif, et, enfin, une série de rubans qui, en se croisant, génèrent des nœuds et des quadrilobes (Fig. 11).

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Figure 11.  Relevé photogrammétrique de la façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla et des tours de flanquement (© Les auteurs).

L’analyse du tracé régulateur montre un évident désir de créer une composition aux proportions harmonieuses. L’un des schémas géométriques assumant un protagonisme majeur dans l’édifice est le rectangle pythagoricien, dont le rapport des deux côtés est de 4/3. On peut montrer sans peine que ce rectangle régit tout le plan au sol de la porte monumentale (Fig. 12) et l’élévation de la façade intérieure (cf. infra). Il en a peut-être été ainsi pour la façade extérieure, mais la disparition complète du crénelage ne permet pas de l’assurer. Il est probable aussi que ce rectangle pythagoricien constitua la base du schéma d’organisation de l’ensemble porte extérieure/tours de flanquement jusqu’à la ligne de base des merlons (Fig. 13). Mais il est aussi possible que le tracé de ce bloc porte/tours ait été généré par deux carrés sécants définissant les largeurs des tours et de l’arc d’accès et dont les côtés supérieurs auraient coïncidé avec les plus hautes impostes des tours (Fig. 14), comme cela avait été le cas déjà à la porte almohade de la Qaṣba des Ūdāya à Rabat.

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Figure 12.  Rectangle pythagoricien (4/3) régissant le plan au sol de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).
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Figure 13.  Rectangle pythagoricien (4/3) régissant l’élévation de la porte d’apparat de Šālla et de ses tours de flanquement (© Les auteurs).
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Figure 14.  Schéma directeur de l’élévation de la porte d’apparat de Šālla et de ses tours de flanquement (© Les auteurs).

Pour en revenir à la seule porte, et sans prendre les tours en compte, un autre rectangle dans lequel s’inscrit un triangle équilatère inclurait tous les plans de A à D jusqu’à la ligne séparant la bande épigraphique centrale de la corniche. Un second rectangle, de rapport √2, s’appuie sur la base du premier et occupe très précisément l’espace situé entre les jambages de l’arc de passage, jusqu’au niveau de la base des impostes. Un troisième rectangle, dont la longueur cette fois est le double de la largeur, atteint la même hauteur que le précédent et couvre l’espace entre les deux piédroits des arcs des plans B et C. Enfin un quatrième rectangle surmonte la composition. Il est limité par l’encadrement de celle-ci et par la bande épigraphique ; un triangle équilatéral y est inscrit (Fig. 15). À elle seule, cette partie du schéma géométrique témoigne déjà d’une grande cohérence et d’une stricte planification de la composition.

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Figure 15.  Schéma directeur de la façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).

D’autre part, une trame de triangles équilatéraux définit la ligne des centres des quatre arcs de cercle configurant l’arc brisé outrepassé - centres confondus en fait en deux points seulement -, ainsi que le sommet de l’intrados de l’arc polylobé du plan B. Les centres des arcs de cercle les plus grands régissent également le tracé de ce même arc lobé. À quelques centimètres au-dessus de la ligne définie par ces centres, se trouve celle qui correspond à ceux de l’arc lobé du plan C (Fig. 16).

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Figure 16.  Schéma directeur et tracé géométrique des divers arcs de la façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).

Pour en finir avec cette analyse géométrique, il convient de signaler un curieux détail d’exécution de cette composition. Les centres des voussures des arcs lobés des plans B et C sont les mêmes que ceux d’une partie de l’intrados de l’arc brisé outrepassé. Or, la limite formelle entre ces arcs polylobés est définie par les centres de l’arc du plan C. En somme, arcs formels et arcs constructifs n’ont pas les mêmes centres (Fig. 17 et 18).

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Figure 17.  Stéréotomie et découpage de l’appareil en pierre de taille de la façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).
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Figure 18.  Schéma directeur et tracé géométrique des voussures des arcs de la façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).

De grandes similitudes sont observables entre la porte de Šālla et les portes d’apparat almohades, érigées un siècle et demi plus tôt9Sur les portes d’apparat almohades nord-africaines et mérinides, voir les travaux de B. Pavón Maldonado (1996)Pavón Maldonado, B. 1996 : “Planimetría de ciudades y fortalezas árabes del norte de África”, Cuadernos del Archivo Municipal de Ceuta, 9, pp. 17-162. , P. Cressier (2006aCressier, P. 2006a : “Les portes monumentales urbaines : symboles et fonctions”, dans P. Cressier, M. Fierro et L. Molina (éd.), Los Almohades. Problemas y perspectivas, Estudios Árabes e Islámicos. Monografías 11, t. I, pp. 149-187. Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid., 2006b)Cressier, P. 2006b : “Les portes urbaines post-almohades du Maroc (XIIIe-XIXe s.)”, dans Th. G. Schattner et F. Valdés Fernández (éd.), Stadttore. Bautyp und Kunstform / Puertas de ciudades. Tipo arquitectónico y forma artística, pp. 459-488. Iberia Archaeologica 8, Deutsches Archäologische Institut - Diputación de Toledo - Real Fundación de Toledo. Verlag Philipp von Zabern, Mayence. et S. Márquez Bueno (2013)Márquez Bueno, S. 2013 : “Rasgos comunes en la arquitectura meriní y nazarí. Una visión a través de las portadas monumentales militares y civiles”, dans F. Villada Paredes et P. Gurriarán Daza (éd.), Al Mansura. La ciudad olvidada, pp. 91-109. Servicio de Museos, Consejería de Educación, Cultura y Mujer, Ciudad autónoma de Ceuta, Ceuta.. S. Márquez Bueno et P. Gurriarán Daza (2011)Márquez Bueno, S. et Gurriarán Daza, P. 2011 “Las puertas monumentales en las fortificaciones del occidente andalusí”, dans B. Franco Moreno, M. Alba Calzado et S. Feijoo (éd.), I-II Jornadas de Arqueología e Historia Medieval. La Marca inferior de al-Andalus, pp. 183-252. Consorcio Ciudad Monumental Histórico-Artístico, Mérida. étendent leur réflexion sur ce thème à al-Andalus.. Mais, durant ce laps de temps, s’est produite une évolution affectant sensiblement la conception de ces portes. En premier lieu, le recours à quatre arcs de cercles, deux courts et deux plus longs, pour le tracé de l’arc brisé outrepassé de l’accès constitue une nouveauté par rapport tant aux portes almohades qu’aux premières réalisations mérinides où seuls deux arcs de cercles de même rayon définissent l’arc brisé outrepassé. De plus, le développement de l’arc polylobé du plan B constitue une nouveauté absolue ; en effet, le lobe sommital, mixtilinéaire, est différent de tous les autres. Par ailleurs, si le dessin de l’arc polylobé du plan C n’est pas innovant puisque déjà présent au minaret almohade dit « Tour Ḥasan », à Rabat même (Caillé 1954 : t. I, 131-132, fig. 36 et 37Caillé, J. 1954 : La mosquée de Hassan à Rabat, Publications de l’Institut des Hautes Études Marocaines LVII. Arts et métiers graphiques, Paris (2 vol.).) (Fig. 19), il faut souligner le caractère particulièrement épuré que prend ici ce motif.

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Figure 19.  Tracés comparatifs de l’arc polylobé du plan C de la façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla (à gauche) et de l’un des arcs aveugles de la façade sud du minaret de la mosquée dite « de Ḥasan » à Rabat (à droite). On notera des différences existant au niveau de la clef de l’arc et des motifs disposés aux angles supérieurs (© Les auteurs)

Le médaillon épigraphié quadrilobé à la clef du plus grand arc peut paraître à juste titre une innovation par rapport aux formules almohades, mais il était déjà présent à Bāb Mrisa (Salé) que l’on sait avoir été édifiée dans les années 1260 (Terrasse 1922Terrasse, H. 1922 : “Les portes de l’arsenal de Salé”, Hespéris, II (4), pp. 357-371.). À dire vrai, Bāb al-Ruwāḥ, à Rabat, inclut déjà un quadrilobe dans une position identique, mais celui-ci est plus petit et n’est pas recreusé pour y placer une inscription. À Bāb Agnaw (Marrakech), le motif est plus visible encore, mais est toujours anépigraphe. Dans le cas de la porte de Šālla, le quadrilobe est non seulement entrelacé avec un des rubans de l’arc polylobé C, mais aussi avec un autre tronçon du même ruban, qui définit le contour des écoinçons, délimitant du même coup le champ occupé par les décors couvrants végétaux. Parmi les portes d’apparat almohades, un ruban de ce type ne se trouve qu’à Bāb Agnaw, où il a d’ailleurs peu de protagonisme. Mais ces façades almohades n’ont jamais recours aux motifs situés aux angles droits des écoinçons et intégrés aux rubans bordant ces derniers, tels qu’ils deviendront caractéristiques aux époques postérieures, mérinide ou nasride (nœuds quadrangulaires ou en double U, etc.). Dans le cas présent il s’agit d’un nœud rectangulaire simple, peu fréquent, mais que l’on peut observer aussi à la porte du funduq ǧadīd nasride de Grenade (ou Corral del Carbón), qui lui est contemporaine (Márquez Bueno 2013 : 100Márquez Bueno, S. 2013 : “Rasgos comunes en la arquitectura meriní y nazarí. Una visión a través de las portadas monumentales militares y civiles”, dans F. Villada Paredes et P. Gurriarán Daza (éd.), Al Mansura. La ciudad olvidada, pp. 91-109. Servicio de Museos, Consejería de Educación, Cultura y Mujer, Ciudad autónoma de Ceuta, Ceuta. ; Almagro Gorbea 2019Almagro Gorbea, A. 2019 : (EEA) Planimetrías de Arquitecturas de al-Ándalus, 422, Granada,http://hdl.handle.net/10261/ ).

En ce qui concerne les motifs végétaux couvrants, ils maintiennent avec des nuances le répertoire almohade, mais en réduisant sensiblement la taille des éléments constitutifs, suivant en cela le modèle de Bāb al-Ruwāḥ où il avait déjà été procédé à cette réduction10Sur le décor végétal des portes urbaines médiévales du Maroc, voir l’article ancien de H. Terrasse (1923)Terrasse, H. 1923 “Le décor des portes anciennes du Maroc”, Hespéris, III (2), pp. 148-174. .. Au sein du répertoire, et selon une évolution semblable à celle que connaît le décor nasride, les fleurons allongés se font proportionnellement plus présents par rapport aux palmes lisses, tandis que la pomme de pin, absente du décor almohade, fait son apparition. Les tiges grêles se recoupent dans les nœuds des volutes du feuillage.

Si les coquilles timbrant les écoinçons sont formellement semblables aux modèles almohades, elles ne sont plus sculptées maintenant sur plusieurs blocs en ressaut par rapport au reste du décor et assemblés a posteriori, mais taillées dans un bloc unique. Le matériau peut être parfois distinct, comme à Bāb Mrisa, mais ce n’est pas le cas ici.

Une autre importante nouveauté apportée par l’architecture mérinide est le recours croissant aux muqarnas. À la porte de Šālla, elles sont employées aux intrados des corbeaux supportés par les colonnes du plan E, mais aussi, avec des dimensions monumentales, aux tours de flanquement. On les trouve sur d’autres réalisations mérinides : à la frise supérieure d’une porte aujourd’hui disparue de la zāwiyat al-Nussak de Salé (Meunié 1957Meunié, J. 1957 : “La zaouiat En Noussak. Une fondation mérinite aux abords de Salé”, Mélanges d’Histoire et d’archéologie de l’Occident musulman, t. II, Hommage à Georges Marçais, pp. 129-146. Gouvernement général de l’Algérie, Alger.), ainsi qu’à la frise supérieure et aux corbeaux de la porte-minaret d’al-Manṣūra à Tlemcen (Bourouiba 1973 : 179-181Bourouiba, R. 1973 : L’art religieux musulman en Algérie. SNED, Alger.).

1.3. Les inscriptions de la porte d’apparat de Šālla

 

Nous nous attacherons dans un premier temps aux inscriptions à double fonction, ornementale et prophylactique, des tours de flanquement. Leur contenu répétitif s’inscrit dans des médaillons polylobés sculptés en faible relief aux panneaux latéraux et frontaux de chacune de ces tours ou s’insère sous forme de motifs-types au cœur des muqarnas, aux angles de celles-ci. Dans un deuxième temps, nous porterons une attention plus approfondie aux inscriptions de la porte triomphale elle-même, en particulier à celle commémorant la fondation.

1.3.1. Les inscriptions des tours de flanquement

 

La localisation et la disposition de l’épigraphie est identique sur chacune des tours flanquant la porte principale de Šālla. Quatre médaillons polylobés enserrant une inscription en cursive timbrent, d’une part, le haut des façades, au centre des panneaux triangulaires définis par le jeu des muqarnas (deux à la façade frontale et un seul aux latérales). Des motifs épigraphiques, en coufique cette fois, sont disposés en frise à la base des muqarnas ou, sous forme de cartouche, au sein même de celles-ci.

  • Motifs épigraphiques des muqarnas : tours droite11« Droit(e) » et « gauche » sont utilisés dans cette description en supposant l’observateur situé à l’extérieur de l’enceinte et face à la porte.et gauche (Fig. 20)

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Figure 20.  Motifs-types des arcatures donnant naissance aux jeux de muqarnas des tours flanquant la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).

La composition est identique aux deux angles des deux tours : trois « motifs types » identiques disposés en frise entre les colonnettes engagées géminées (ou simples aux deux extrémités) qui donnent naissance aux deux panneaux de muqarnas. La graphie est un « coufique architectonique », qui se caractérise par des entrelacs complexes et l’extrémité géométrisée des hampes de graphèmes. Les trois motifs reproduisent le même terme, disposé horizontalement et en miroir. Plus haut dans la composition, entre les muqarnas, trois cartouches rectangulaires reprennent ce terme, dans le même type de coufique et également en miroir12Les motifs en caractères coufiques des muqarnas n’ont pas été lus par Basset et Lévi-Provençal qui signalèrent seulement qu’il s’agissait de « motifs dérivés du koufique » (1922 : 67-68, 70, fig. 12Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425.)..

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Bonheur

Yumn (bonheur) fait partie du lexique relatif à ce qui est souvent désigné comme la « thématique du bonheur et du bien-être » qui implique la « présence » divine, comme le conçoit la théologie soufie (Martínez Núñez 2014 : 148-149, 151-153Martínez Núñez, M. A. 2014 : “El proyecto almohade a través de la documentación epigráfica: innovación y ruptura”, dans P. Cressier et V. Salvatierra Cuenca (éd.), Miradas Cruzadas 1212-2012. La batalla de las Navas de Tolosa, pp. 139-157. Universidad de Jaén, Jaén.) et dont l’usage en épigraphie se généralise au XIIe-XIIIe siècles et s’établit complètement aux siècles suivants. On retrouve ce même terme, en coufique en miroir aussi, à la façade de la qubba funéraire d’Abū l-Ḥasan (Martínez Núñez et al. 2016 : 15, 21, fig. 3Martínez Núñez, M. A., Cressier, P., Márquez Bueno, S. et Gurriarán Daza, P. 2016 : “La qubba funeraria del sultán Abū l-Ḥasan en Šāllah (Rabat, Marruecos)”, Norba. Revista de Arte, 36, pp. 9-41.).

  • Médaillons polylobés des tours

Chaque médaillon enserre une eulogie à Allāh, ou expression de louange à Dieu, tracée en graphie cursive sans signe diacritique, sauf dans un cas, et disposée en deux lignes superposées lues de bas en haut.

Tour de flanquement droite

  • Médaillon polylobé nº 1, façade latérale droite (Fig. 21a)

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Figure 21.  Eulogies à Allāh dans les médaillons polylobés des tours flanquant la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).

Présente des ornements floraux et végétaux entre les graphèmes.

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La permanence appartient à Allāh

  • Médaillon polylobé nº 2, façade frontale, côté droit (Fig. 21b)

Présente quelques éléments floraux stylisés dans la partie gauche.

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La gloire appartient à Allāh

  • Médaillon polylobé nº 3, façade frontale, côté gauche (Fig. 21c)

Présente quelques petits motifs décoratifs de part et d’autre de l’inscription et dans la partie supérieure.

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La souveraineté appartient à Allāh

  • Médaillon polylobé nº 4, façade latérale gauche (Fig. 21d)

Présente un point diacritique sur le graphème zay. Motif floral stylisé à gauche de l’inscription.

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La gloire appartient à Allāh

Tour de flanquement gauche

  • Médaillon polylobé nº 5, façade latérale droite (Fig. 21e)

L’inscription se développe sur un fond touffu d’entrelacs végétaux.

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La grandeur appartient à Allāh

  • Médaillon polylobé nº 6, façade frontale, côté droit (Fig. 21f)

Présente des motifs floraux stylisés de part et d’autre de l’inscription. L’état de conservation de l’inscription est déficient.

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La permanence est à Allāh

  • Médaillon polylobé nº 7, façade frontale, côté gauche (Fig. 21g)

L’inscription se développe sur un fond touffu d’entrelacs végétaux.

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La grandeur appartient à Allāh

  • Médaillon polylobé nº 8, façade latérale gauche (Fig. 21h)

L’inscription se développe sur un fond d’entrelacs végétaux. Sa conservation est excellente.

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La permanence est à Allāh

Ces eulogies à Allāh ou formules de louange à Dieu, allusives au tawḥīd et aux attributs exclusifs de Dieu, ont reçu dans l’épigraphie almohade un traitement autonome et remarquable au travers des « motifs-types » en coufique. Ce traitement particulier se maintint sous les dynasties postérieures, en al-Andalus et au Maghreb, recourant dorénavant tant au coufique qu’au cursif (Martínez Núñez 2005 : 13-16, 30-32, 2014 : 144Martínez Núñez, M. A. 2005 : “Ideología y epigrafía almohades”, dans P. Cressier; M. Fierro et L. Molina (éd.), Los almohades: problemas y perspectivas, Estudios Árabes e Islámicos. Monografías 11, t. I, pp. 5-52. Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid.).

1.3.2. Les inscriptions de la façade triomphale

 

Il est intéressant de constater que la distribution des inscriptions sur la façade monumentale de Šālla est identique à celle suivie à la porte almohade de la Qaṣba des Ūdāya à Rabat : une inscription en coufique géométrique portée par le large bandeau encadrant la composition et une série de motifs-types en coufique dans la partie supérieure. La décoration d’entrelacs végétaux des écoinçons est également l’héritière directe des solutions esthétiques de cette époque (Martínez Núñez 1997 : 429-432Martínez Núñez, M. A. 1997 : “Epigrafía y propaganda almohades”, Al-Qanṭara, 18 (2), pp. 415-445. https://doi.org/10.3989/alqantara.1997.v18.i2.531 , 2015 : 120-122Martínez Núñez, M. A. 2015 : “Ḥisba y ŷihād en época almohade: el testimonio epigráfico”, dans C. de Ayala Martínez et I. C. F. Fernandes (coord.), Cristãos contra Muçulmanos na Idade Média Peninsular. Bases ideológicas e doutrinais de um confronto (séculos X-XIV) / Cristianos y musulmanes en la Edad Media peninsular. Bases ideológicas y doctrinales de una confrontación, pp. 85-108. Edições Colibri-Universidad Autónoma de Madrid, Lisboa. ). Ne viennent s’ajouter à ce modèle canonique qu’une eulogie à Allāh dans un médaillon quadrilobé à la clef de l’arc, qui se répète sur les deux chapiteaux supportés par les colonnettes des écoinçons.

Le contenu textuel du grand bandeau épigraphique est en revanche très différent du répertoire almohade (Martínez Núñez 2005 : 19-32Martínez Núñez, M. A. 2005 : “Ideología y epigrafía almohades”, dans P. Cressier; M. Fierro et L. Molina (éd.), Los almohades: problemas y perspectivas, Estudios Árabes e Islámicos. Monografías 11, t. I, pp. 5-52. Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid., 2015 : 123-133Martínez Núñez, M. A. 2015 : “Ḥisba y ŷihād en época almohade: el testimonio epigráfico”, dans C. de Ayala Martínez et I. C. F. Fernandes (coord.), Cristãos contra Muçulmanos na Idade Média Peninsular. Bases ideológicas e doutrinais de um confronto (séculos X-XIV) / Cristianos y musulmanes en la Edad Media peninsular. Bases ideológicas y doctrinales de una confrontación, pp. 85-108. Edições Colibri-Universidad Autónoma de Madrid, Lisboa. ) : il s’agit, en effet, après les formules religieuses introductives, d’un texte de fondation qui consigne le nom du sultan et ses titres, l’objet de la fondation et la date d’achèvement des travaux, reprenant en cela une tradition pré-almohade (Martínez Núñez 2005 : 35-36Martínez Núñez, M. A. 2005 : “Ideología y epigrafía almohades”, dans P. Cressier; M. Fierro et L. Molina (éd.), Los almohades: problemas y perspectivas, Estudios Árabes e Islámicos. Monografías 11, t. I, pp. 5-52. Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid.).

Le promoteur des travaux est le sultan Abū l-Ḥasan ‘Alī qui succéda à son père Abū Sa‘īd Uṯmān en 1331 et se maintint au pouvoir jusqu’en 1348-49. C’est ce même souverain, qui perdit l’étendard de son père à la bataille dite du Salado en 134013Selon son inscription, cet étendard fut fabriqué dans la Qaṣba de Fès en 712/1312 pour Abū Sa‘īd ‘Utmān (m. 1330) [Martínez Núñez 2007 : 238-241, nº 97, avec bibliographieMartínez Núñez, M. A. 2007 : Epigrafía árabe. Catálogo del Gabinete de Antigüedades de la Real Academia de la Historia [con la Colaboración de Rodríguez Casanova, I. et Canto García, A.]. Real Academia de la Historia, Madrid.]. et qui décida de construire l’enceinte de Šālla, la nécropole princière des Mérinides.

Voyons plus précisément le contenu de ces différentes inscriptions.

  • Motifs-types en coufique dans la frise supérieure (Fig. 22), répétant onze fois la formule:

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La souveraineté appartient à Allāh

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Figure 22.  Motifs-types de la frise supérieure de la façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).
  • Épigraphes en cursif sur l’échine des chapiteaux composites disposés aux deux côtés de la façade, répétant la formule située à la clef de l’arc (Fig. 23):

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Allāh est provision

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Figure 23.  Inscription sur l’échine des chapiteaux de marbre de la façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).
  • Sur la clef de l’arc, dans un médaillon quadrilobé, en cursif sur deux lignes (Fig. 24):

14 H. Basset et É. Lévi-Provençal (1922 : 64)Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425., ne parviennent pas à lire cette phrase en cursif et affirment que le médaillon contient « une sorte de rosace ». medium/medium-ARQARQT-18-e116-gf12.png

Allāh est provision

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Figure 24.  Médaillon quadrilobé à la clef de l’arc de la façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).
  • Sur le tronçon vertical droit du grand bandeau encadrant la composition, écrit en coufique15La lecture et la traduction indiquées ici ont été réalisées à partir de l’état actuel de conservation de l’inscription de fondation. Notons que cette lecture diffère de celle publiée initialement par H. Basset et É. Lévi-Provençal (1922 : 31, 305-306, fig. 51)Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425. mais que ceux-ci corrigèrent dans le second volet de leur travail (Id., 1922 : 316) puis dans la réédition l’année suivante de l’ensemble sous forme de livre (Id., 1923 : 31). (Fig. 25a):

medium/medium-ARQARQT-18-e116-gf13.png 16 H. Basset et É. Lévi-Provençal (1922)Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425. ajoutèrent à la fin «medium/medium-ARQARQT-18-e116-g021.png» qui n’existe pas dans l’orignal. Cet ajout fut supprimé dans la réédition (Id., 1923). medium/medium-ARQARQT-18-e116-gf14.png

Je me réfugie en Allāh de Satan, le lapidé. Au nom d’Allāh, le Clément, le Miséricordieux. Allāh bénisse notre seigneur Muḥammad et sa famille et les sauve17Ceci constitue le début de l’inscription, précédée des trois formules introductives typiques : ta‘awwud, basmala et taṣliya, dont l’usage fut introduit et généralisé par les Almohades dans l’épigraphie de leurs constructions officielles et que maintinrent les dynasties postérieures du Maghreb et d’al-Andalus (Martínez Núñez, 1997 : 435-437Martínez Núñez, M. A. 1997 : “Epigrafía y propaganda almohades”, Al-Qanṭara, 18 (2), pp. 415-445. https://doi.org/10.3989/alqantara.1997.v18.i2.531 , 2005 : 1-24, 36Martínez Núñez, M. A. 2005 : “Ideología y epigrafía almohades”, dans P. Cressier; M. Fierro et L. Molina (éd.), Los almohades: problemas y perspectivas, Estudios Árabes e Islámicos. Monografías 11, t. I, pp. 5-52. Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid.).

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Figure 25.  Inscription de fondation du grand bandeau épigraphié de la façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla. a. Tronçon vertical droit ; b. Tronçon horizontal central ; c. Tronçon vertical gauche. (© Les auteurs).
  • Sur le tronçon horizontal supérieur du grand bandeau (en mauvais état de conservation) (Fig. 25b):

medium/medium-ARQARQT-18-e116-gf15.png 18Dans leur version de 1922, Basset et Lévi-Provençal (1922 : 31)Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425. réduisent ostensiblement à «medium/medium-ARQARQT-18-e116-gf21.png» la formule de fondation, traduite par « cette construction a été ordonnée par ». Ils rétablissent la séquence complète dans la réédition. medium/medium-ARQARQT-18-e116-gf16.png 19Pour medium/medium-ARQARQT-18-e116-g023.png medium/medium-ARQARQT-18-e116-gf17.png medium/medium-ARQARQT-18-e116-gf18.png

La construction de la muraille de ce ribāṭ béni a été ordonnée par notre Mawlà, le Sultan et Prince des musulmans Abū l-Ḥasan, fils de notre Mawlà, le Sultan et Prince des musulmans, le saint, l’objet de la miséricorde divine20Les deux adjectifs, al-muqaddas et al-marḥūm, utilisés ici avec les noms propres montrent qu’il s’agit de personnages déjà décédés, de la même façon que, durant les siècles précédents, l’expression raḥima-hu Allāh était employée après le nom des défunts (Barceló 1990 : 46Barceló, C. 1990 : “Estructura textual de los epitafios andalusíes (siglos IX-XIII)”, dans Homenaje a Manuel Ocaña Jiménez, pp. 41-54. Diputación provincial de Córdoba-Ayuntamiento de Córdoba, Cordoue. ; Martínez Núñez 2007 : 153, nº 53, note 468Martínez Núñez, M. A. 2007 : Epigrafía árabe. Catálogo del Gabinete de Antigüedades de la Real Academia de la Historia [con la Colaboración de Rodríguez Casanova, I. et Canto García, A.]. Real Academia de la Historia, Madrid. ; Barceló 2016a : 52Barceló, C. 2016a : “Epigrafía funeraria nazarí: el epitafio de al-Yanaštī (835/1436)”, Arqueología y Territorio Medieval, 23, pp. 41-55. https://doi.org/10.17561/aytm.v23i0.3198 ; Martínez Núñez et al. 2016 : 18, note 14Martínez Núñez, M. A., Cressier, P., Márquez Bueno, S. et Gurriarán Daza, P. 2016 : “La qubba funeraria del sultán Abū l-Ḥasan en Šāllah (Rabat, Marruecos)”, Norba. Revista de Arte, 36, pp. 9-41.)., Abū Sa‘īd, fils de notre Mawlà, le Sultan et Prince des musulmans,

  • Sur le tronçon vertical gauche du grand bandeau, suite et fin du texte de fondation (Fig. 25c):

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le saint, l’objet de la miséricorde divine, Abū Yūsuf ibn ‘Abd al-Ḥaqq, qu’Allāh éternise leur souveraineté21Cette même expression se retrouve dans l’inscription rendant compte de l’institution d’un waqf dans la madrasa de Fās al-Ğadīd par le sultan Abū l-Ḥasan (Bel 1917-1919 : 103-116Bel, A. 1917-1919 : Inscriptions arabes de Fès, Imprimerie Nationale, Paris.)., et cela fut achevé à la fin du mois de dū l-ḥiǧǧa de l’année trente-neuf et sept cents (739/juillet 1339 J.-C.).

1.3.3. Le message de l’épigraphie. L’affirmation d’une identité souveraine

 

Notons brièvement que la graphie utilisée suit les modèles instaurés par les Almohades. Les motifs-types sont en consonance avec ceux de la façade extérieure de la Qaṣba des Ūdāya, reproduisant la même eulogie (al-mulk li-llāh) que l’un des motifs de cette porte (Martínez Núñez 2005 : 15-18Martínez Núñez, M. A. 2005 : “Ideología y epigrafía almohades”, dans P. Cressier; M. Fierro et L. Molina (éd.), Los almohades: problemas y perspectivas, Estudios Árabes e Islámicos. Monografías 11, t. I, pp. 5-52. Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid.). Celui-ci est d’ailleurs également utilisé à la façade extérieure de la qubba funéraire d’Abū l-Ḥasan, à Šālla même (Martínez Núñez et al. 2016 : 19-21Martínez Núñez, M. A., Cressier, P., Márquez Bueno, S. et Gurriarán Daza, P. 2016 : “La qubba funeraria del sultán Abū l-Ḥasan en Šāllah (Rabat, Marruecos)”, Norba. Revista de Arte, 36, pp. 9-41.). Quant au coufique de l’encadrement, le tracé de ses graphèmes est tout aussi clairement hérité des Almohades ; tout au plus peut-on constater un plus grand développement et une certaine profusion des hampes à terminaisons géométriques. Ce coufique sur fond lisse est cependant plus sobre que celui auquel eurent recours les sculpteurs de la qubba funéraire précitée, qui se développe sur un fond d’entrelacs végétaux (Martínez Núñez et al. 2016 : 13-15Martínez Núñez, M. A., Cressier, P., Márquez Bueno, S. et Gurriarán Daza, P. 2016 : “La qubba funeraria del sultán Abū l-Ḥasan en Šāllah (Rabat, Marruecos)”, Norba. Revista de Arte, 36, pp. 9-41.).

Les inscriptions qui ornent les portes monumentales mérinides sont héritées de l’époque almohade, mais innovent aussi par quelques traits spécifiques. Dans ce domaine de l’épigraphie, les coïncidences avec l’Orient sont parmi les plus remarquables. L’épigraphie relative à la fondation (de monuments ou d’institutions) répond à une longue tradition de l’Islam. Dans la Dār al-Islām, le souverain comme fondateur de villes et promoteur de grands édifices religieux, palatiaux ou défensifs est une image habituelle dès les premières décennies de l’institution califale (Acién Almansa 1987 : 15Acién Almansa, M. 1987 : “Madīnat al-Zahrā’ en el urbanismo musulmán”, Cuadernos de Madīnat al-Zahrā’, 1, pp. 11-26., 1998 : 944-945Acién Almansa, M. 1998 : “Sobre el papel de la ideología en la caracterización de las formaciones sociales. La formación social islámica”, Hispania, 200, pp. 915-968. https://doi.org/10.3989/hispania.1998.v58.i200.632 ). L’image s’intensifie au cours du temps et se généralise à d’autres formes d’autorité et de gouvernement. Les inscriptions commémoratives témoignent pour la postérité de ces initiatives souveraines.

C’est dans cette tradition que s’inscrit l’épigraphie de la dynastie mérinide et, en particulier, celle du sultan Abū l-Ḥasan. Au travers de ce type d’inscription peut se détecter la conception du pouvoir qui prévaut en ce moment, avec la figure nouvelle du sulṭān šarīf et l’incidence décisive du soufisme (Martínez Núñez 2006 : 159-166Martínez Núñez, M. A. 2006 : “El papel del islam en Marruecos : legitimación del poder y activismo político-religioso”, dans C. Pérez Beltrán (éd.), Sociedad civil, derechos humanos y democracia en Marruecos, pp. 149-179. Universidad de Granada, Granada.). Rendent compte de ce contexte idéologique particulier la récupération des formules de fondation22Ce retour aux textes de fondation se fit progressivement : le contenu des premières épigraphies monumentales mérinides était encore exclusivement religieux, ainsi à la Bāb Mrisa de l’arsenal de Salé. Son inscription inclut les trois formules introductives de tradition almohade et une longue citation coranique (Q. LXI, 10-13) [Martínez Núñez 2014 : 149-150Martínez Núñez, M. A. 2014 : “El proyecto almohade a través de la documentación epigráfica: innovación y ruptura”, dans P. Cressier et V. Salvatierra Cuenca (éd.), Miradas Cruzadas 1212-2012. La batalla de las Navas de Tolosa, pp. 139-157. Universidad de Jaén, Jaén.]., après la parenthèse almohade, l’inclusion de données généalogiques, les symboles et attributs du souverain au travers de la titulature protocolaire et des laqab-s honorifiques, les références coraniques choisies ou encore les termes utilisés pour désigner les fondations concernées.

Ainsi, à l’inscription de la porte principale de l’enceinte de Šālla, Abū l-Ḥasan ‘Alī est nommé par sa kunya et comme Mawlà, Sulṭān et Amīr al-muslimīn, et ces mêmes titres se répètent pour ses prédécesseurs, son père, Abū Sa‘īd, et son grand-père, Abū Yūsuf Ya‘qūb b. ‘Abd al-Ḥaqq. On sait que le titre de sulṭān personnifiait le terme abstrait se référant au pouvoir, et que celui d’Amīr al-muslimīn avait été utilisé par les émirs almoravides, alors que les Almohades s’étaient attribué la dignité califale, et donc le titre d’Amīr al-mu’minīn (Gubert 1996 : 402-420Gubert, S. 1996 : “Pouvoir, sacré et pensée mystique : les écritures emblématiques mérinides (VIIe/XIIIe-IXe/XVe siècles)”, Al-Qanṭara, 17 (2), pp 391-497. https://doi.org/10.3989/alqantara.1996.v17.i2.555 ; Martínez Núñez 2006 : 156-158, 163-166Martínez Núñez, M. A. 2006 : “El papel del islam en Marruecos : legitimación del poder y activismo político-religioso”, dans C. Pérez Beltrán (éd.), Sociedad civil, derechos humanos y democracia en Marruecos, pp. 149-179. Universidad de Granada, Granada.). Quant à l’usage du terme de Mawlà, on rappellera que celui-ci est appliqué au Prophète dans les taṣliya-s déclamatoires et avait été adopté déjà par les califes almohades dans leur correspondance officielle (‘Azzāwī 1995 : lettres nº 10, 19, 38, 41, 44‘Azzāwī, A. 1995 : Rasā’il muwaḥḥidiyya. Maǧmū’a ğadīda, t. I. Ğāmi’at Ibn Ṭufayl, Kenitra. ; Martínez Núñez 2005 : 23-24Martínez Núñez, M. A. 2005 : “Ideología y epigrafía almohades”, dans P. Cressier; M. Fierro et L. Molina (éd.), Los almohades: problemas y perspectivas, Estudios Árabes e Islámicos. Monografías 11, t. I, pp. 5-52. Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid.). En tout état de cause, ce nouveau titre de Mawlà met l’accent sur le chérifisme ; c’est-à-dire sur le lien généalogique de la dynastie avec la ahl al-bayt et sur l’identification du sultan avec « l’archétype prophétique », la qudwa de la pensée soufie (Gubert 1996 : 395Gubert, S. 1996 : “Pouvoir, sacré et pensée mystique : les écritures emblématiques mérinides (VIIe/XIIIe-IXe/XVe siècles)”, Al-Qanṭara, 17 (2), pp 391-497. https://doi.org/10.3989/alqantara.1996.v17.i2.555 ; Cornell 1998 : 202-204Cornell, V. J. 1998 : Realm of the Saint. Power and authority in Maroccan Sufism. University of Texas Press, Austin. ; Martínez Núñez 2006 : 160-161Martínez Núñez, M. A. 2006 : “El papel del islam en Marruecos : legitimación del poder y activismo político-religioso”, dans C. Pérez Beltrán (éd.), Sociedad civil, derechos humanos y democracia en Marruecos, pp. 149-179. Universidad de Granada, Granada.). Face à son fils et successeur, Abū ‘Inān, qui assuma la dignité califale, en adoptant le titre d’Amīr al-mu’minīn (Basset et Lévi-Provençal 1922 : 42-45Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425.), Abū l-Ḥasan est toujours nommé, dans le répertoire épigraphique, Amīr al-muslimīn23C’est le titre qui, sans aucun doute, est donné à Abū l-Ḥasan sur l’un des étendards mérinides conservés à la cathédrale de Tolède (Lévi-Provençal 1931 : 193, nº 214Lévi-Provençal, É. 1931 : Inscriptions arabes d’Espagne, avec quarante-quatre planches en phototypie. E. J. Brill - E. Larose, Leyde-Paris (2 vol.).), avec la même date expressément indiquée (740/1339) que celle figurant sur la grande porte de Šālla, bien qu’il ait été affirmé que, sur cet objet, le souverain était mentionné comme Amīr al-mu’minīn (Ali de Unzaga 2014 : 546-547, nº 330Ali de Unzaga, M. 2014 : “Bannière du sultan Abu l-Hasan”, dans Y. Lintz, C. Déléry et B. Tuil Leonetti (dir), Le Maroc médiéval. Un empire de l’Afrique à l’Espagne, pp. 546-547. Hazan-Louvre Éditions, Paris.). (Gubert 1996 : 402-407Gubert, S. 1996 : “Pouvoir, sacré et pensée mystique : les écritures emblématiques mérinides (VIIe/XIIIe-IXe/XVe siècles)”, Al-Qanṭara, 17 (2), pp 391-497. https://doi.org/10.3989/alqantara.1996.v17.i2.555 ), tout comme ses contemporains nasrides ou, bien avant, les émirs almoravides. Cependant, il usa aussi d’une série de laqab-s protocolaires en « Allāh » qui allaient bien au-delà de sa condition d’Amīr al-muslimīn, comme on peut l’observer aux inscriptions de constitution de waqf-s de différentes fondations de Fès. À celle de la madrasa de Fās al-Ǧadīd, fondée par son père en 712/1312 (Bel 1917-1919 : 103-116Bel, A. 1917-1919 : Inscriptions arabes de Fès, Imprimerie Nationale, Paris.), Abū l-Ḥasan est cité sous dix-neuf adjectifs, titre et surnoms honorifiques, fait exceptionnel dans l’épigraphie mérinide, entre autres ceux de Mawlā-nā l-ḫalīfa, al-Imām24Cette même séquence de trois termes précède la mention du calife hafside Abū Ḥafṣ ‘Umar al-Mustanṣir bi-llāh dans les inscriptions de fondation de Bāb Riḥāna et de Bāb al-Mā’, toutes deux à la grande mosquée de Kairouan (Tunisie) et avec la même date expressément indiquée (693/1293-94) [Roy et Poinssot 1950 : 54-56, 59-60, nº 18, 22Roy, B. et Poinssot, P. 1950 : Inscriptions arabes de Kairouan, vol. II. Klincksieck, Paris.].al-‘ādil, al-Muǧāhid fī sabīl Allāh et al-Mu’ayyad bi-ḥizb Allāh. Les mêmes laqab-s sont repris à l’inscription de la madrasa al-Miṣbāḥiyya, fondée par Abū l-Ḥasan en 747/1346 (Bel 1917-1919 : 233Bel, A. 1917-1919 : Inscriptions arabes de Fès, Imprimerie Nationale, Paris. ; Aouni 1991 : nº 63Aouni, Lhağ M. 1991 : Étude des inscriptions mérinides de Fas. Thèse de Doctorat sous la direction de S. Ory, Université de Provence, Aix-Marseille.)25La titulature complète figure également sur la stèle de fondation encastrée dans le premier pilier à gauche du miḥrāb, de la mosquée de Sīdī Bū Madyan à Tlemcen (Algérie), de l’année 739/1338-39 (Bourouiba 1984 : 132Bourouiba, R. 1984 : Les inscriptions commémoratives des mosquées d’Algérie. Office des Publications Universitaires, Alger.)., tandis qu’à la mosquée d’Abū l-Ḥasan il est désigné comme Mawlā-nā Amīr al-muslimīn wa-Nāṣir al-dīn al-Muǧāhid fī sabīl Rabb al-‘ālamīn (Aouni 1991 : 118-121, nº 62Aouni, Lhağ M. 1991 : Étude des inscriptions mérinides de Fas. Thèse de Doctorat sous la direction de S. Ory, Université de Provence, Aix-Marseille.). Dans tous les cas, sa généalogie figure à la suite de ces indications.

En ce qui concerne le texte de fondation, il reprend la formule amara bi-binā’ (« il ordonna la construction de […] », habituelle durant les siècles antérieurs à l’époque almohade (Martínez Núñez 2005 : 19-22Martínez Núñez, M. A. 2005 : “Ideología y epigrafía almohades”, dans P. Cressier; M. Fierro et L. Molina (éd.), Los almohades: problemas y perspectivas, Estudios Árabes e Islámicos. Monografías 11, t. I, pp. 5-52. Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid.), mais c’est dans les termes désignant le complexe monumental de Šālla, al-ribāṭ al-mubārak, (« le ribāṭ béni ») que s’observe à nouveau la matérialisation en épigraphie des orientations politiques et apologétiques de la dynastie. Notons que c’est en effet le terme de ribāṭ qui a été utilisé pour désigner Šālla, tant par Ibn al-Ḫaṭīb26Sur Ibn al-Ḫaṭīb et Šālla, voir Nagy 2019Nagy, P. T. 2019 : “The Ka‘ba, paradise, and Ibn al-Khaṭīb in Shālla (Rabat): the ‘work’ of 14th century marīnid funerary complex”, Miscelanea de Estudios Árabes e Islámicos [Sección árabe-islam], 68, pp. 263-293. https://doi.org/10.30827/meaharabe.v68i0.1000 . - contemporain des faits - que par al-Maqqarī - beaucoup plus tardif -, ainsi que l’avaient déjà souligné H. Basset et É. Lévi-Provençal (1922 : 23-24)Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425..

Le terme ribāṭ désigne en arabe le lieu où se pratiquent des activités religieuses et ascétiques et le ğihād, qui leur est intimement lié en Islam, ainsi que des échanges commerciaux, facteurs décisifs dans le processus d’islamisation de certains territoires du Maghreb (Cressier 2004Cressier, P. 2004 : “De un ribāṭ a otro. Una hipótesis sobre los ribāṭ/s del Magrib al-Aqṣà siglo IX / inicios siglo XI”, dans R. Azuar Ruiz (éd.), Fouilles de la Rábita de Guardamar I. El ribāṭ califal, excavaciones e investigaciones (1984-1992), pp. 203-221. Casa de Velázquez, Madrid.). Cependant, les inscriptions des ribāṭ-s tunisiens bien connus, Monastir (181/797), Sousse (206/821-22) et Qaṣr Duwayd (240/856), ne précisent pas l’objet de la fondation et utilisent simplement la formule min-mā amara bi-hi (« pour ce qu’il ordonna faire ») [Abdeljaouad 1998Abdeljaouad, L. 1998 : “Qirā’a ğadīda fī naṣṣ al-kitāba al-taḫlidiyya bi-ribāṭ Sīdī Duwayb bi-l-Munastir (240/855)”, Ifrīqiya, 16, pp. 1-11., 2017Abdeljaouad, L. 2017 : “Le coufique des inscriptions monumentales funéraires aghlabides”, dans G. Anderson, C. Fenwick et M. Rosser-Owen (éd.), The Aghlabids and their Neighbours. Art and Material Culture in 9th-century North Africa, pp. 294-320. Brill, Leyde-Boston. ; El Bahi 2017 : 325El Bahi, A. 2017 : “Les ribāṭs aghlabides : un problème d’identification”, dans G. Anderson, C. Fenwick et M. Rosser-Owen (éd.), The Aghlabids and their Neighbours. Art and Material Culture in 9th-century North Africa, pp. 321-337. Brill, Leyden-Boston.]. En ce qui concerne les deux inscriptions monumentales du ribāṭ de Guardamar (Alicante), l’objet de la fondation est un masğid, mais les graffiti des différentes cellules du complexe ont systématiquement recours à l’expression daḫala hādihi al-rābiṭa… (« est entré dans cette rābiṭa […] ») [Barceló 2016b : 133-135Barceló, C. 2016b : “Inscripciones en ribāṭ de al-Andalus (Guardamar y Arrifana)”, MARQ. Arqueología y Museos, 7, pp. 117-139.]. Ce même terme, al-rābiṭa, est celui qui figure sur un fragment d’inscription, datée expressément de ramaḍān de 399 (avril-mai 1009), trouvé dans le château de Sines et conservé au musée municipal de cette localité portugaise27Une photographie de cette pièce, de même que la lecture qu’en fit A. Labarta, a été publiée dans la revue Sines Municipal, 13 (mars 2016), p. 22. En ligne : https://issuu.com/cmsines/docs/sines_municipal_13__mar__o_2016_ (consultation le 4 janvier 2021). . Au ribāṭ plus tardif d’Arrifana (Portugal), ce terme n’est pas non plus utilisé, ni dans les inscriptions funéraires ni dans les graffiti (Barceló 2016b : 135-137Barceló, C. 2016b : “Inscripciones en ribāṭ de al-Andalus (Guardamar y Arrifana)”, MARQ. Arqueología y Museos, 7, pp. 117-139.). Il faut attendre le XIIe siècle pour le voir apparaître en épigraphie orientale28Dans deux inscriptions de fondation de La Mecque, datées de 529/1134-35 et de 575/1179-80 (Al-Fa‘ar 1984 : 284-291, fig. 16 ; 302, fig. 56Al-Fa‘ar, M. F. ‘A. A. 1984 : Taṭawwur al-kitābāt wa-l-nuqūš fī l-Ḥiğāz mundu fağr al-Islām ḥattà muntaṣaf al qarn al-sābi‘ al-hiğrī. Tuhāma li-l-‘ilān wa-l-‘alāqāt al-‘āmma, Riyāḍ. ) et dans le texte de fondation de Ḫankāk Sunqurğāh à Alep (Syrie), de 554/1159 (Thesaurus d’Épigraphie Arabe, Fondation Max van Berchem, fiche nº 7943, en ligne : http://www.epigraphie-islamique.org/epi/consultation.php ; consultation le 29 mai 2020)..

Aux XIIe-XIIIe siècles surgit une nouvelle figure d’ascète, homme pieux et saint personnage soufi, le murābiṭ, dont la caractéristique est la foi en action. C’est ainsi que se fait plus étroite encore que dans les époques antérieures la relation entre ribāṭ et ğihād, déjà manifeste sous les Almohades avec la fondation du ribāṭ de Taza et celle de Ribāṭ al-Fatḥ (Martínez Núñez 2006 : 153-154Martínez Núñez, M. A. 2006 : “El papel del islam en Marruecos : legitimación del poder y activismo político-religioso”, dans C. Pérez Beltrán (éd.), Sociedad civil, derechos humanos y democracia en Marruecos, pp. 149-179. Universidad de Granada, Granada.). Mais c’est après les Almohades que, avec l’émergence du šarīfisme, se concrétisent l’identification de la figure du souverain à celle du saint soufi et la croyance en l’hérédité de la sainteté. La connivence entre soufisme et pouvoir permet l’apparition d’une figure spécifique du souverain, celle du Mawlà et une théologie du pouvoir qui associe les marques du souverain à celles du saint : ‘ibāda, ṣalāḥ et baraka. Le sultan mérinide est présenté comme murābiṭ, ascète et saint porteur de baraka, se consacrant particulièrement au ğihād (muğāhid), juste (‘ādil) attentif aux faibles et aux pauvres. Tout ceci, nous l’avons vu, a une répercussion sur les laqab-s adoptés. L’introduction des madrasa-s par les sultans mérinides favorisa fortement la diffusion du soufisme et de la nouvelle conception du pouvoir. Il en fut de même de la prolifération alors des ribāṭ-s et des zāwiya-s comme lieux de pratique de l’ascétisme et de ğihād, pour héberger les étudiants, les voyageurs et les pauvres, parfois associés à des nécropoles ou à des tombes de saints personnages (qubba/turba/rawḍa) [Schatzmiller 1976Schatzmiller, M. 1976 : “Les premiers mérinides et le milieux religieux de Fès : l’introduction des medersas”, Studia Islamica, 43, pp. 109-118. https://doi.org/10.2307/1595283 ; García-Arenal 2001 : 228-231García-Arenal, M. 2001 : “Las características de la sociedad islámica en el Magreb”, Al-Qanṭara, 22 (1), pp. 225-238. http://al-qantara.revistas.csic.es/index.php/al-qantara/article/view/233/227 ; Martínez Núñez 2006 : 159-162Martínez Núñez, M. A. 2006 : “El papel del islam en Marruecos : legitimación del poder y activismo político-religioso”, dans C. Pérez Beltrán (éd.), Sociedad civil, derechos humanos y democracia en Marruecos, pp. 149-179. Universidad de Granada, Granada.].

La désignation de la nécropole mérinide de Šālla comme ribāṭ doit être mise en relation avec ces traits particuliers du murābiṭ soufi, assumés par le souverain, sans oublier non plus que ce complexe funéraire s’élève devant un autre ribāṭ, Ribāṭ al-Fatḥ fondé par les Almohades. Par ailleurs, en faisant de Šālla une nécropole royale, le fondateur en fait un lieu de pèlerinage doté de la baraka des illustres serviteurs de l’Islam qu’étaient ses aïeuls. Quant au qualificatif d’al-mubārak, il est lié sans aucun doute à l’une des marques de la sainteté, la baraka, et il ne s’applique pas seulement à l’inscription de ce ribāṭ, mais aussi à celles d’autres fondations mérinides, comme la qubba funéraire d’Abū l-Ḥasan à Šālla même (Martínez Núñez et al. 2016 : 17Martínez Núñez, M. A., Cressier, P., Márquez Bueno, S. et Gurriarán Daza, P. 2016 : “La qubba funeraria del sultán Abū l-Ḥasan en Šāllah (Rabat, Marruecos)”, Norba. Revista de Arte, 36, pp. 9-41.), ou à celles des mosquées de Sīdī Bū Madyan et d’al-Manṣūra, toutes deux à Tlemcen, dans lesquelles l’objet de la fondation est alors al-ğāmi‘ al-mubārak (Bourouiba 1984 : 120, 128, 132Bourouiba, R. 1984 : Les inscriptions commémoratives des mosquées d’Algérie. Office des Publications Universitaires, Alger.).

La tendance à réévaluer à tous les niveaux le rôle de la révélation et de la religion à partir des postulats soufis est générale à ce moment dans toute la Dār al-Islām. Ceci explique les coïncidences observées dans le domaine de l’épigraphie. Ce ne sont pas seulement les sultans mérinides qui s’attribuent le titre de Mawlà (Mawlā-nā), mais aussi les Nasrides d’al-Andalus (Puerta Vílchez 2010Puerta Vílchez, J. M. 2010 : Leer la Alhambra. Guía visual del monumento a través de sus inscripciones. Patronato de la Alhambra y Generalife, Grenade.), les califes hafsides d’Ifrīqiya (Roy et Poinssot 1950 : nº 18, 22Roy, B. et Poinssot, P. 1950 : Inscriptions arabes de Kairouan, vol. II. Klincksieck, Paris.) ou les Mamelouks d’Égypte et de Syrie. Ainsi à Alep (Syrie), dans le texte de fondation d’un mausolée, le souverain mamelouk al-Mālik al-Nāṣir (748-752/1347-1351 et 755-762/1354-1360-1), est-il nommé Mawlā-nā l-sulṭān et l’objet de la fondation associe mausolée et ribāṭ: hādā l-masğid al-mubārak wa-l-ribāṭ wa-l-turba al-mubāraka (« cette mosquée bénie, ribāṭ et mausolée béni »). À Hébron (Cisjordanie) cette fois, une autre inscription de chronologie mamelouk (679/1280-81), associe ribāṭ et hospice pour pauvres (amara bi-‘imārat hādā l-ribāṭ al-mubārak). Même chose dans une inscription de fondation d’un ribāṭ et hospice en 706/1306-07 à Médine (Arabie Saoudite) par Yāqut al-Māridānī, où il est spécifié : waqqafa hādā l-ribāṭ al-mubārak […] ‘alà l-fuqarā’ wa-l-masākīn al-gurabā’ min al-riğāl (« Il érigea ce ribāṭ béni pour les pauvres, les mendiants et les voyageurs ») 29Sur ces trois inscriptions, voir Thesaurus d’Épigraphie Arabe, Fondation Max van Berchem, fiches nº 805, 2434 y 2078 respectivement, en ligne : http://www.epigraphie-islamique.org/epi/consultation.php (consultation le 22 avril 2020)..

La porte principale de l’enceinte de Šālla est, comme il a été dit plus haut, la plus monumentale des portes mérinides, du point de vue épigraphique aussi. Aucune autre porte mérinide du Magrib al-Aqṣà n’a fait l’objet d’un programme ornemental et épigraphique aussi achevé que le sien. Bāb Mrisa de l’arsenal primitif de Salé, la plus ancienne et la plus redevable encore aux solutions almohades (Márquez Bueno 2013 : 93-94, 98Márquez Bueno, S. 2013 : “Rasgos comunes en la arquitectura meriní y nazarí. Una visión a través de las portadas monumentales militares y civiles”, dans F. Villada Paredes et P. Gurriarán Daza (éd.), Al Mansura. La ciudad olvidada, pp. 91-109. Servicio de Museos, Consejería de Educación, Cultura y Mujer, Ciudad autónoma de Ceuta, Ceuta.) n’a recours dans le bandeau de sa façade qu’à des formules coraniques (formules d’introduction habituelles puis Q. LXI, 10-13)30Ce même fragment coranique avait été utilisé en époque almohade, au bandeau de la porte de la Qaṣba des Ūdāya de Rabat et sur l’étendard de la bataille de « Navas de Tolosa » (Martínez Núñez 2014 : 45-46Martínez Núñez, M. A. 2014 : “El proyecto almohade a través de la documentación epigráfica: innovación y ruptura”, dans P. Cressier et V. Salvatierra Cuenca (éd.), Miradas Cruzadas 1212-2012. La batalla de las Navas de Tolosa, pp. 139-157. Universidad de Jaén, Jaén.), puis, à l’époque mérinide, sur l’étendard de la bataille du Salado, conservé à Tolède (Id. 2007 : 238-241, nº 97). [Terrasse 1922 : 367-368Terrasse, H. 1922 : “Les portes de l’arsenal de Salé”, Hespéris, II (4), pp. 357-371. ; Martínez Núñez 2014 : 146 notes 13, 15Martínez Núñez, M. A. 2014 : “El proyecto almohade a través de la documentación epigráfica: innovación y ruptura”, dans P. Cressier et V. Salvatierra Cuenca (éd.), Miradas Cruzadas 1212-2012. La batalla de las Navas de Tolosa, pp. 139-157. Universidad de Jaén, Jaén.]). L’inscription coufique de la porte de la madrasa de Salé comprend les formules d’introduction puis une brève citation coranique (Q. III, 167/173). Au même monument, l’inscription de fondation sur bois atypique, en cursif, ne précise pas le nom du fondateur - Abū l-Ḥasan - ni sa filiation, et le désigne seulement par son titre (Amīr al-muslimīn), accompagné de la date (733/1332-33) et suivi d’une citation coranique (Q. XV, 46)31L’un de nous (María Antonia Martínez Núñez) a eu l’occasion de réviser les inscriptions de l’ensemble des portes monumentales mérinides, dans leur état actuel de conservation. À la porte de la mosquée Lalla al-Zahra, fondée sur l’ordre d’Abū ‘Inān (759/1358) sont reproduites les formules introductrices et Q. XV, 46-47 (Aouni 1991 : 190-191, nº 110Aouni, Lhağ M. 1991 : Étude des inscriptions mérinides de Fas. Thèse de Doctorat sous la direction de S. Ory, Université de Provence, Aix-Marseille.).. Quant à la porte de la zāwiyat al-Nussak élevée à l’extérieur de Salé, sa composition est semblable à celle de la madrasa. Au bandeau coufique encadrant la partie supérieure, sont consignées les formules d’introduction, suivies de Q. XII, 64, tandis que l’inscription cursive disposée horizontalement sous la précédente reprend les mêmes formules suivies de Q. III, 133-134. Cette zāwiya montrait une autre inscription de fondation à sa porte occidentale, aujourd’hui disparue, qui rendait compte, selon Ibn al-Ḫaṭīb, de sa construction sur ordre de l’Amīr al-mu’minīn Abū ‘Inān en 757/1356 (Meunié 1957 : 133, note 17Meunié, J. 1957 : “La zaouiat En Noussak. Une fondation mérinite aux abords de Salé”, Mélanges d’Histoire et d’archéologie de l’Occident musulman, t. II, Hommage à Georges Marçais, pp. 129-146. Gouvernement général de l’Algérie, Alger.).

En ce qui concerne les inscriptions des portes des monuments mérinides de Tlemcen, deux d’entre elles sont en céramique : la frise sur l’arc d’accès à la grande mosquée de Sīdī Bū Madyan, datée expressément de 739/1338-39 et dont l’ordonnateur, Abū l-Ḥasan, n’apparaît que comme Mawlā-nā l-Sulṭān (Bourouiba 1984 : 128Bourouiba, R. 1984 : Les inscriptions commémoratives des mosquées d’Algérie. Office des Publications Universitaires, Alger.), et celle de la grande mosquée de Sīdī l-Ḥalwī, en position identique et dans laquelle l’ordonnant, Abū ‘Inān, est mentionné comme Mawlānā-nā l-Sulṭān ibn Mawlānā-nā l-Sulṭān Abī l-Ḥasan et explicitement datée de 754/1353-5432Thesaurus d’Épigraphie Arabe, Fondation Max van Berchem, fiche nº 1783, en ligne : http://www.epigraphie-islamique.org/epi/consultation.php (consultation le 22 avril 2020).. Seule l’inscription de fondation, sur pierre, qui encadre le haut de la porte-minaret de la grande mosquée d’al-Manṣūra, pourrait être comparée à celle de Šālla. L’ordonnateur consigné est le sultan mérinide (Abū Yūsuf Ya‘qūb ibn ‘Abd al-Ḥaqq) qui est nommé Amīr al-muslimīn et al-Muğāhid fī sabīl Rabb al-‘ālamīn avec les qualificatifs d’al-muqaddas et al-marḥūm (Bourouiba 1984 : 120Bourouiba, R. 1984 : Les inscriptions commémoratives des mosquées d’Algérie. Office des Publications Universitaires, Alger.), qui laissent entendre qu’il était déjà décédé (706/1306-1307). Sa chronologie est donc postérieure à cette date et peut-être même postérieure à la conquête de Tlemcen par les Mérinides en 1337, c’est-à-dire sous le règne d’Abū l-Ḥasan.

1.4. La façade intérieure de la porte d’apparat

 

Cette façade s’élève perpendiculairement à la muraille. Elle s’organise en quatre plans (A à D) du plus au moins profond (Fig. 26 et 27). Le plan A inclut les jambages et la voussure de l’arc d’accès, brisé outrepassé. Les scoties et les impostes y portent un décor. Le plan B est limité par la voussure de l’arc polylobé qui enveloppe le précédent et ses écoinçons. Cet arc est défini par deux rubans entrelacés générant des figures trilobées du type sebka dont le cœur est occupé par des pommes de pin et de curieux motifs de coquille enserrée dans une forme végétale couronnée d’une fleur de lys, que nous qualifierons donc de « coquille fleurdelisée »33H. Basset et É. Lévi-Provençal interprètent différemment ce motif, puisqu’ils le considèrent comme étant constitué de deux palmes enserrant une coquille (Basset et Lévi-Provençal 1923 : fig. 17 et 20Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1923 : Chella. Une nécropole mérinide. E. Larose, Paris.)..

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Figure 26.  Relevé photogrammétrique de la façade intérieure de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).
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Figure 27.  Schéma régulateur de la façade intérieure de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).

À la clef de l’arc les rubans dessinent deux médaillons l’un quadrilobé, chaque lobe accueillant une pomme de pin, et l’autre trilobé incluant deux volutes et une pomme de pin. Ces rubans délimitent les écoinçons, aux angles supérieurs desquels ils s’entrecroisent générant une bande en « double U » dont les antécédents connus les plus anciens se trouvent à la Bāb Mrisa de Salé (Márquez Bueno 2013Márquez Bueno, S. 2013 : “Rasgos comunes en la arquitectura meriní y nazarí. Una visión a través de las portadas monumentales militares y civiles”, dans F. Villada Paredes et P. Gurriarán Daza (éd.), Al Mansura. La ciudad olvidada, pp. 91-109. Servicio de Museos, Consejería de Educación, Cultura y Mujer, Ciudad autónoma de Ceuta, Ceuta.). L’arc polylobé naît de motifs serpentiformes de tradition almohade, surmontant des impostes dont la scotie est décorée de motifs végétaux. Dans ce cas, les écoinçons ne sont pas garnis des habituels entrelacs végétaux, mais maintiennent cependant en leur centre les coquilles proéminentes. Le plan C correspond au reste de la façade à l’exception des pilastres, colonnettes et corbeaux qui constituent le plan D. Ce sont les pilastres qui enferment les plages décorées de la porte. Le feuillage des chapiteaux est frappé de plusieurs coquilles, solution esthétique jamais utilisée par ailleurs. Une coquille fleurdelisée et une autre simple ornent chaque corbeau (Basset et Lévi-Provençal 1923 : fig. 18 et 19, respectivementBasset, H. et Lévi-Provençal, É. 1923 : Chella. Une nécropole mérinide. E. Larose, Paris.).

Une arcature aveugle se développe au-dessus de l’encadrement, chaque arc mixtilinéaire enfermant une coquille fleurdelisée. Cette arcature est elle-même surmontée et flanquée d’un entrelacs géométrique définissant un triple bandeau de cartouches lisses dont le lobe des extrémités fait corps avec des formes quadrilobées. Au-dessus d’une double corniche, enfin, est installé un alignement de merlons dentés, résultat d’une restauration ayant pris comme modèle le seul élément original encore en place, à l’extrémité gauche.

Comme à la façade extérieure, c’est un rectangle pythagoricien qui régit l’ensemble des éléments constitutifs de cette porte intérieure. Un autre rectangle, de rapport √2 cette fois, s’inscrit entre les pilastres et le bord supérieur de la corniche inférieure (Fig. 27). L’intrados de l’arc outrepassé est généré par deux paires de cercles de rayons différents, mais dont les centres se superposent. De plus, l’extrados de cet arc, qui coïncide avec l’intrados de l’arc polylobé, et l’extrados de ce dernier, sont concentriques avec les deux plus grands arcs de cercle définissant l’intrados de l’arc outrepassé (Fig. 28).

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Figure 28.  Schéma directeur de la façade intérieure de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).

En dernière instance, un triangle équilatéral voit ses sommets coïncider avec la base des scoties des impostes de l’arc polylobé et le point le plus élevé de l’extrados de celui-ci ; la longueur de ses côtés est identique à la hauteur de l’encadrement.

La présence de formules et de motifs préalablement élaborés en al Andalus est patente tant à la façade extérieure qu’à façade intérieure de la porte de Šālla. Ce sont, plus concrètement, des solutions documentées dans la vallée de l’Èbre en époque ṭā‘ifa qui semblent avoir été adoptées (Cabañero Subiza 1998 : 136-137Cabañero Subiza, B. 1998 : “Descripción artística”, dans A. Beltrán (dir.), La Aljafería, t. I, pp. 79-140. Cortes de Aragón, Zaragoza.). Les deux façades ont recours à des arcs particuliers : l’élément qui sépare les formes trilobées jalonnant leur tracé est sensiblement allongé, simulant ainsi une sorte d’arcature miniature34À notre connaissance, il n’existe pas de terme en français pour désigner ce traitement particulier de l’arc. Ch. Ewert (1978 : 86)Ewert, C. 1978 : Spanisch-islamische Systeme sich kreuzender Bögen. III Die Aljafería in Zaragoza, Walter de Gruyter, Berlin. dénomma la formule « Hängezapfen », dont il assuma pour traduction à l’espagnol « clave colgante » (Ewert et al. 1971 : 92, 96, 97Ewert, C., Duda, D., Kircher, G. 1971 : Islamische Funde in Balaguer und die Aljaferia in Zaragoza, Madrider Forschungen 7, Walter de Gruyter, Berlin.) qui, traduit au français, donnerait « clef suspendue ». Mais cette expression désigne tout autre chose dans cette langue. Nous remercions ici B. Cabañero Subiza pour ses éclaircissements sur l’adoption du terme en espagnol. . Le précédent le plus ancien de cette solution formelle se trouve au palais du Castell Formós à Balaguer (Lérida)35 B. Cabañero Subiza (2010Cabañero Subiza, B. 2010 : “Hipótesis de reconstitución del palacio taifal de Castell Formós de Balaguer (Lleida)”, Artigrama, 25, pp. 283-326. , 2011)Cabañero Subiza, B. 2011 : “Pautas que rigen las composiciones decorativas del palacio taifal de la alcazaba de Balaguer (Lleida)”, Artigrama, 26, pp. 535- 556. a analysé les formes architectoniques et le répertoire ornemental du palais ṭa’ifa de Balaguer.. Curieusement, c’est là aussi qu’apparaît pour la première fois le médaillon quadrilobé (Cabañero Subiza 2010 : 304, fig. 5, 323Cabañero Subiza, B. 2010 : “Hipótesis de reconstitución del palacio taifal de Castell Formós de Balaguer (Lleida)”, Artigrama, 25, pp. 283-326. ), tel qu’on l’observe aux clefs des plus grands arcs des deux façades de la porte de Šālla, ainsi qu’au bandeau bordant l’encadrement de la façade extérieure. Ajoutons que, à cette même façade intérieure, le tracé de l’arcature aveugle située au-dessus de l’encadrement dérive clairement de modèles conçus pour le palais de l’Aljafería de Saragosse (Ewert 1978 : 86Ewert, C. 1978 : Spanisch-islamische Systeme sich kreuzender Bögen. III Die Aljafería in Zaragoza, Walter de Gruyter, Berlin.).

1.5. Les autres portes (à Šālla et ailleurs)

 

La porte dont nous venons de faire une longue description n’est pas la seule s’ouvrant dans l’enceinte de Šālla : deux autres plus modestes donnaient accès à l’intérieur du complexe (Fig. 1). Elles sont loin de présenter le même intérêt architectural et leur rôle dut être avant tout pratique, l’une au nord-est (Bāb ‘Ayn Aǧanna) contrôlant l’accès à une source puis au fleuve, l’autre au sud-est (Bāb al-Basātīn ou Bāb al-Swāni, porte des Jardins).

La façade extérieure de Bāb ‘Ayn Aǧanna a été entièrement reconstruite en époque moderne, en saillie et ménageant un passage en coude simple, mais la bâtisse barlongue constituant aujourd’hui ce saillant n’existait pas à l’origine et le passage était droit (Basset et Lévi-Provençal 1923 : 84-89Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1923 : Chella. Une nécropole mérinide. E. Larose, Paris.) (Fig. 29).

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Figure 29.  Bāb ‘Ayn Aǧanna. Façade intérieure (© Les auteurs).

De la façade intérieure seul subsiste l’arc brisé outrepassé. Le plan de la voussure et des écoinçons est légèrement rabaissé par rapport à celui de la façade. Les jambages sont élevés en pierre de taille mais, à partir du niveau inférieur des écoinçons, la maçonnerie associe moellon et brique, l’arc lui-même étant en brique. Il n’y a pas de solution de continuité précise entre la construction de la porte et celle de la muraille. Il ne subsiste pratiquement rien du décor à l’exception de quelques traces de rubans d’enduit qui devaient matérialiser un faux appareil ; celui-ci devait d’ailleurs s’étendre à de faux claveaux pour l’arc.

Plus intéressant devait être le décor de la façade extérieure dans son état initial, perceptible par quelques indices conservés dans les années 1920 à l’intérieur du passage coudé tardif. Il s’agissait d’une ornementation peinte sur enduit, qui comprenait d’une part un faux crénelage denté dans la partie supérieure et, d’autre part, des motifs de svastika flanquant l’ouverture (Basset et Lévi-Provençal 1923 : 87, fig. 25Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1923 : Chella. Une nécropole mérinide. E. Larose, Paris.), formule à ce jour unique à notre connaissance dans l’architecture mérinide.

La troisième porte, dite « des Jardins » ne présente aucun caractère monumental (Basset et Lévi-Provençal 1923 : 89-92Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1923 : Chella. Une nécropole mérinide. E. Larose, Paris.). L’arc est simplement brisé et ses dimensions sont réduites. Deux petits saillants quadrangulaires, parementés en pierre de taille et plaqués contre la muraille, la flanquaient à l’extérieur. L’accès était droit. À l’intérieur elle s’ouvrait entre deux pilastres, surmontés chacun d’une console à motif serpentiforme, seul élément ornemental de cet ouvrage (Basset et Lévi-Provençal 1923 : fig. 28Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1923 : Chella. Une nécropole mérinide. E. Larose, Paris.).

Tant la distribution des portes de Šālla que leur mode de construction et la composition de leurs décors demanderaient à être replacés dans une discussion plus large sur les portes urbaines mérinides, avec certaines de celles de Fès et de Fās al-Ğadīd, de Qaṣr al-Saġīr, de Salé (Bāb Mrisa et Bāb al-Fahran), ou de l’Afrag de Ceuta. Cette discussion nous entraînerait trop loin du thème de cet article pour que nous l’abordions ici. Nous observerons seulement que, par la richesse de son ornementation et la présence de son abondante épigraphie, la porte d’apparat de Šālla constitue une exception, Bāb Mrissa seule pouvant lui être comparée.

2. L’ÉPURE

 

2.1. Localisation et description

 

L’épure qui nous occupe a été tracée et peinte sur le pisé (ṭābiya) encore frais de la face intérieure de l’enceinte, à mi-chemin de la tour d’angle occidentale et du futur emplacement de la porte principale, dont elle annonçait le schéma de composition et le programme ornemental (Fig. 2, 3 et 30). C’est devant ce tronçon de rempart que fut édifié peu après le bâtiment généralement interprété comme funduq, dont une transformation récente a eu pour conséquence la couverture de l’espace originellement à l’air libre entre cet édifice et la muraille (Fig. 31). Le pavement moderne de ce qui est devenu une pièce multiservice recouvre un remblaiement tardif ayant élevé le niveau primitif d’environ 1,70 m. Mais c’est évidemment à partir du sol contemporain des travaux qu’il faut percevoir et interpréter les tracés qui nous ont été conservés.

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Figure 30.  Épure de la partie supérieure de l’arc de la porte d’apparat de Šālla, conservée sur la paroi intérieure de l’enceinte de ṭābiya. En gris : mortier et matériaux moderne ; en ocre jaune : superficie de ṭābiya conservant les vestiges de l’épure ; en ocre brun : ṭābiya dont la superficie est érodée ou altérée (© Les auteurs).
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Figure 31.  Après la couverture de l’espace entre le rempart et les vestiges du funduq, le pan de muraille sur lequel avait été tracée l’épure est désormais à l’abri des intempéries, mais l’utilisation qui était faite du bâtiment en 2013 expose celle-ci à d’autres agressions (© Les auteurs).

La composition d’ensemble de l’épure (Fig. 30) associe la partie supérieure d’un arc lobé complexe incluant les cercles des lobes et leurs axes générateurs respectifs, rayonnant depuis le seul centre de l’arc que nous ayons identifié. Cet arc lobé est surmonté d’un médaillon quadrilobé aux contours circulaires incisés et partiellement soulignés de peinture noire. Il enferme une inscription en cursif disposée au-dessus d’un motif de fleur de lys, l’un et l’autre peints à main levée, à l’ocre rouge sans incision préalable.

C’est de cette même façon qu’a été traité le décor d’entrelacs végétaux remplissant l’écoinçon gauche, constitué essentiellement de palmes lisses et de quelques fruits étirés, apposés en larges touches.

Une coquille timbre le centre de l’écoinçon. Des incisions et des traits de peinture noire en définissent la forme, tandis que l’intérieur des neufs lobes est alternativement peint en rouge ou laissé vide. Une série d’incisions marque le bord gauche et la limite supérieure de l’écoinçon. Les tracés de l’arc polylobé et du médaillon quadrilobé débordent largement de l’axe de symétrie de la composition mais, en revanche, ni l’écoinçon droit ni son décor d’entrelacs végétaux ne sont dessinés.

Cette polychromie strictement distribuée nous amène à poser la question d’un usage de la couleur plus étendu qu’on ne le pensait jusqu’à présent à la façade extérieure de la porte une fois terminée. Seules avaient été reconnues en effet les incrustations de céramique glaçurée (cf. supra). Malheureusement aucune recherche archéométrique n’a encore été menée sur d’autres portes d’apparat almohades ou mérinides, qui permette de confirmer ou d’infirmer une telle hypothèse. On rappellera seulement que les grands minarets almohades déjà avaient eu recours aux enduits peints et aux applications de céramique (Kutubiyya et mosquée de la Qaṣba, à Marrakech). À Séville, il a été montré récemment que le décor de la façade du palais de Pierre le Cruel, élevé entre 1356 et 1366 (peu après Šālla donc) par des artisans musulmans dans le contexte d’une cour princière chrétienne, était abondamment coloré (López Cruz et al. 2011 : 173López Cruz, O., García Bueno, A. et Medina Flores, V. J. 2011 : “Evolución del color en el alero de la fachada del rey D. Pedro I, Real Alcázar de Sevilla. Aportaciones del estudio de materiales a la identificación de las intervenciones de restauración a lo largo de su historia”, Arqueología de la Arquitectura, 8, pp. 163-178. https://doi.org/10.3989/arqarqt.2011.10016 , repris par Almagro Gorbea 2013 : 91Almagro, A. 2013 : “Planimetría de los monumentos del Patrimonio Mundial en Sevilla”, Apuntes del Alcázar de Sevilla, pp. 72-91.).

L’analyse formelle comparative entre ce qui subsiste de cette épure et la façade extérieure de la porte d’apparat confirme que l’on a affaire à un dessin préalable à l’édification de celle-ci. L’ébauche concerne plus précisément le niveau C de la composition générale de cette façade tel que nous l’avons défini plus haut (Fig. 32), ainsi que peut-être la niveau B, encore que les tracés qui correspondraient à ce dernier soient trop ténus pour l’assurer, raison pour laquelle nous n’en tiendrons pas compte ici.

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Figure 32.  Analyse comparative de l’écoinçon de l’épure et de son équivalent à la façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).

De tous les éléments qui composent l’épure, celui qui retient probablement le plus l’attention est le médaillon à quatre lobes enfermant l’inscription cursive. Une étude complète en est faite plus avant, mais disons d’ores et déjà que le contenu de cette inscription est différent de la version finale disposé à la clef de l’arc de niveau C de la façade, même s’il relève d’un registre similaire. Un second élément diffère également, la coquille timbrant l’écoinçon : elle comporte neuf lobes et non sept comme la version sculptée et, au contraire de cette dernière, elle n’inclut pas de pomme de pin entre les volutes donnant naissance aux lobes. Quant aux entrelacs végétaux, si les motifs retenus sont bien de même nature, il n’y a pas de correspondance dans leur disposition, et la pomme de pin en est aussi absente.

Finalement, si l’arc lobé conçu à partir de l’entrecroisement de trois rubans répond au même dessin, les rayons des arcs de cercle qui le sous-tendent sont plus courts : 3,67 m dans l’épure et 4,10 m à la porte36Dans le premier cas, la mesure a été effectuée en prolongeant virtuellement les lignes incisées et en supposant un niveau de sol original identique à l’intérieur et à l’extérieur de la muraille, dans ce même secteur au moins. (Fig. 33). La distance entre l’axe de symétrie de la composition et la limite gauche de celle-ci est, pour sa part, la même dans les deux cas (3,33 m). L’axe de de la coquille se situe au quart de la distance entre l’axe de symétrie et le bord gauche de la composition, par rapport à ce dernier. Cependant, dans l’épure, l’axe de la coquille se situe légèrement plus à gauche (environ 4 cm) qu’à la porte. De plus, cette coquille étant plus volumineuse, sa base se situerait plus bas que dans la transposition à la pierre. Au final, la composition sculptée a gagné ainsi en élégance.

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Figure 33.  Analyse comparative des schémas régulateurs de l’épure et de la façade extérieure de la porte d’apparat de Šālla (© Les auteurs).

2.2. L’inscription du médaillon

 

Le médaillon quadrilobé situé au sommet de la composition de l’épure enferme une inscription en caractères cursifs disposée en deux lignes et se lisant de bas en haut (Fig. 34). Une fleur de lys schématique occupe le lobe inférieur sous l’inscription elle-même.

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La gloire appartient à Allāh / à Lui seul

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Figure 34.  Inscription peinte dans le médaillon quadrilobé de l’épure. Comparer à la figure 24 (© Les auteurs).

Cette formule - al-‘izza li-llāh waḥda-hu - est l’une des eulogies à Allāh dont, ainsi qu’il a été vu plus haut, l’usage en épigraphie se généralisa à l’époque almohade. Ce type de louange à Dieu, qui insiste de plus en Son unicité (tawḥīd), apparaît habituellement en caractères coufiques et sous la forme de « motifs-types » dans les inscriptions officielles des califes mu’minides, assez vite généralisés aux inscriptions non officielles. Ils furent plus tard utilisés à profusion par les Mérinides au Maghreb comme par les Nasrides en al-Andalus, en particulier dans la décoration pariétale et tant en coufique qu’en cursif. Le terme ‘izza et d’autres du même esprit, comme subḥān, ḥamd ou šukr, fait partie des expressions de glorification ou de louange au Dieu unique et de gratitude envers lui pour concéder secours (naṣr), assistance (tawfīq), grâce (ni‘ma), bonheur (yumn), pouvoir (mulk), etc. C’est un lexique extrait du corpus sacré et traditionnellement utilisé en épigraphie islamique mais, quoique d’apparence pérenne, il acquit à certains moments une charge sémantique et une valeur symbolique spécifique, comme ce fut le cas à partir des Almohades et de leur restauration de l’unité absolue de Dieu (Gubert 1996 : 393, 412-413Gubert, S. 1996 : “Pouvoir, sacré et pensée mystique : les écritures emblématiques mérinides (VIIe/XIIIe-IXe/XVe siècles)”, Al-Qanṭara, 17 (2), pp 391-497. https://doi.org/10.3989/alqantara.1996.v17.i2.555 ; Martínez Núñez 1997 : 442-443Martínez Núñez, M. A. 1997 : “Epigrafía y propaganda almohades”, Al-Qanṭara, 18 (2), pp. 415-445. https://doi.org/10.3989/alqantara.1997.v18.i2.531 ).

Il est intéressant de noter que l’inscription peinte de l’épure diffère de celle qui fut finalement sculptée dans la pierre, à la clef de l’arc de la façade extérieure de la porte d’apparat (Fig. 24). Comme nous l’avons déjà signalé, cette dernière est la même que celle qui avait été adoptée précédemment à Bāb Mrisa, porte monumentale de l’arsenal de Salé. Dans ces deux cas, la formule est « Allāh ‘udda » (« Allāh est provision »), première partie d’une expression plus longue frappée par les Almohades et figurant dans les motifs-types en coufique de la porte de la Qaṣba des Ūdāya à Rabat : Allāh ‘udda li-kull šidda (« Dieu est provision face à toute adversité ») [Martínez Núñez 1997 : 431, pl. 1, fig. 3Martínez Núñez, M. A. 1997 : “Epigrafía y propaganda almohades”, Al-Qanṭara, 18 (2), pp. 415-445. https://doi.org/10.3989/alqantara.1997.v18.i2.531 ]. Cette formule fut aussi utilisée très souvent, dans sa version longue ou dans sa version courte, par les sultans mérinides et nasrides (Martínez Núñez 2005 : 17-18, 31, note 11Martínez Núñez, M. A. 2005 : “Ideología y epigrafía almohades”, dans P. Cressier; M. Fierro et L. Molina (éd.), Los almohades: problemas y perspectivas, Estudios Árabes e Islámicos. Monografías 11, t. I, pp. 5-52. Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid.). Cette version courte dut acquérir une valeur préférentielle dans l’écriture de propagande mérinide, comme le laisse entendre son inclusion dans les inscriptions des portes d’autres fondations de la dynastie. Ainsi aux médaillons lobés des écoinçons de la porte de la madrasa de Salé, construite sur ordre du sultan Abū l-Ḥasan en 733/1332-1333 (Hassar Benslimane 1992 : 107Hassar-Benslimane, J. 1992 : Le passé de la ville de Salé dans tous ses états : histoire, archéologie, archives. Maisonneuve & Larose, Paris.), ou un peu plus tard à la clef de la porte de la zāwiyat al-Nussak, construite par le sultan Abū ‘Inān (Meunié 1957 : 133, note 17Meunié, J. 1957 : “La zaouiat En Noussak. Une fondation mérinite aux abords de Salé”, Mélanges d’Histoire et d’archéologie de l’Occident musulman, t. II, Hommage à Georges Marçais, pp. 129-146. Gouvernement général de l’Algérie, Alger.).

À Šālla, notre lecture de l’inscription sur pierre se base sur le fait que le terme ‘udda n’est pas précédé par un article, alors que, à l’inscription peinte, le terme ‘izza est bien accompagné de l’article et que l’expression waḥda-hu vient compléter la phrase. Il n’y a donc pas d’autre lecture possible que celle proposée.

2.3. Chronologie et fonction de l’épure

 

La grande inscription de la porte monumentale d’accès au ribāṭ de Šālla nous indique que l’enceinte fut achevée en juin 1339. Par ailleurs, l’observation des contacts entre le massif maçonné que constitue cette porte et l’enceinte de ṭābiya proprement dite révèle que les deux ouvrages furent mis en place de façon synchrone37Le découvreur de l’épure, J. Borély, n’est pas de cet avis, mais n’argumente malheureusement pas son opinion : « J’expliquerai ailleurs comment et pourquoi on peut penser, d’après l’enchaînement des constructions, que la muraille du ribat est antérieure à la porte d’Aboû el-Hasan et cette porte antérieure à l’hôtellerie » (Borély 1932 : 15Borély, J. 1932 : “Chella et l’archéologie”, La vie marocaine illustrée [Numéro thématique Tourisme], pp. 11-15.)..

Les incisions n’ayant pu être pratiquées que peu de temps après que le décoffrage des banchées ait eu lieu et alors que la superficie de la ṭābiya n’avait pas encore durcie, nous en sommes amenés à conclure que le tracé de l’épure et la construction de la porte sont chronologiquement très proches. Mais surgit alors un paradoxe, puisque semblent s’opposer la brièveté de l’intervalle de temps entre les deux actions et les assez nombreuses différences observées entre le dessin initial et le résultat de sa mise en œuvre dans la pierre. De telles différences feraient alors douter que le dessin incisé et peint sur la muraille fût un projet de ce qui fut mis en œuvre à la porte, d’autant que ses proportions sont également distinctes de ce que nous montrent le rectangle pythagoricien et le triangle équilatère inscrit de la façade une fois achevée.

Deux hypothèses sont envisageables. La première ferait de cette épure le maillon d’une chaîne au long de laquelle d’autres versions se seraient succédées jusqu’à aboutir, par approximations successives, à une solution jugée satisfaisante finalement adoptée dans la porte ouvrant encore aujourd’hui sur la cité funéraire.

La seconde hypothèse qui s’offre à l’esprit est celle d’un schéma délibérément approximatif qui aurait eu pour seul but d’exposer à un personnage ou à un collectif déterminé l’image ou plutôt l’idée de ce qui allait être réalisé à la porte monumentale de ce « ribāṭ béni ». Un argument de poids en faveur de cette deuxième possibilité est le recours à la technique picturale pour le tracé des éléments végétaux : ceux-ci échappent de la sorte à la contrainte de tracés géométriques rigoureux. On constate ainsi que la composition de l’entrelacs végétal ne joue aucun rôle dans la géométrie de l’arc proprement dite. S’il a bien été jugé bon de le faire figurer, il ne l’a pas été de le faire correspondre exactement à ce qui fut matérialisé peu après dans la pierre.

De cette façon, le fait qu’il ait été décidé de représenter un entrelacs végétal, une coquille bicolore et un médaillon enfermant un message déterminé, donnant une idée de ce qui allait être finalement réalisé, incite à prendre en compte cette seconde possibilité.

Il est assuré que, dans son état original, l’épure ne reprenait pas la structure de l’arc dans son entier, non seulement parce que la partie symétrique de celui-ci par rapport à l’axe principal n’a jamais été matérialisée, mais aussi parce que sa partie inférieure ne l’a pas été non plus. En effet, si l’on tient compte de la position des centres de l’arc lobé par rapport au sol primitif, l’espace restant disponible était de toute façon insuffisant pour y dessiner tout élément qui serait venu compléter la composition y compris la zone des impostes. Ceci implique que n’avait pas été dessiné le schéma directeur complet, avec ses rectangles pythagoriciens et triangle inscrit déjà évoqués. Or ce schéma directeur aurait été indispensable s’il s’était agi de servir de guide ou de référence précise pour l’exécution finale de l’ouvrage.

Pour résumer, disons que sous réserve d’inventaire (dépendant de l’apparition improbable de nouveaux documents archéologiques) tous les arguments convergent pour soutenir la deuxième des hypothèses envisagées, celle d’une épure conçue comme un exposé approximatif des intentions immédiates de l’exécuteur des travaux, dans laquelle le haut degré des détails permettait au spectateur (le commanditaire, le souverain ou le responsable administratif du chantier ?) de se faire une idée très concrète de ce que serait l’œuvre en cours une fois achevée.

En tout état de cause, quelle qu’ait été la finalité de l’épure, son temps d’exposition dut être très bref ; en effet, sa superficie conserve les indices d’un badigeonnage de chaux identique à celui constituant la finition du traitement de surface original du pisé de l’ensemble de l’enceinte, tel qu’il en reste des traces sur d’autres tronçons de celle-ci. Sa présence n’était pas compatible non plus avec le faux appareil régulier, de tradition almohade, que dessinaient sur ces mêmes pans de muraille d’épais joints en rubans et dont des restes étaient encore visibles non loin, en 2013. De tels joints superposés à l’épure auraient créé un effet inesthétique, ce qui a rendu plus utile encore le badigeonnage de chaux.

CONCLUSION : LE SULTAN BÂTISSEUR

 

L’épure étudiée dans ces pages constitue un cas unique à l’aune de toute l’architecture islamique occidentale, pour ses dimensions, le soin apporté à sa réalisation et le symbolisme dont elle est chargée. Avant-projet ou ébauche destinée à l’information du puissant personnage promoteur de l’ouvrage qui allait prendre corps, elle apporte un témoignage singulier, habituellement destiné à disparaître, sur le processus de production architecturale dont nous connaissons par ailleurs très mal le déroulement. Il est très probable que sa qualité d’exécution soit due à l’importance de l’édifice considéré et à celle de qui en ordonna la construction. Dans des situations moins prestigieuses, le recours à des supports périssables expliquerait l’extrême rareté de ce type de représentation.

Comme nous l’avons dit au moment d’en faire la description, différents aspects de l’épure de Šālla nous laissent entendre que son destinataire ultime était très probablement le commanditaire lui-même, le sultan Abū l-Ḥasan. Une autre des informations qu’elle fournit est à prendre en considération : l’usage qui y est fait de la polychromie est peut-être l’indice que l’utilisation des couleurs sur le monument une fois achevé était plus étendue qu’on ne le croit généralement.

Le caractère exceptionnel de cette épure nous a imposé de la documenter de façon particulièrement rigoureuse et cette rigueur, prioritaire, devait s’étendre à la documentation de la porte monumentale finalement édifiée. Une telle exigence de précision nous a conduits non seulement à établir des relevés photogrammétriques de l’épure et des deux façades de la porte principale de Šālla, bien sûr, mais aussi à en élaborer des représentations graphiques de haute qualité. Celles-ci deviennent à leur tour des outils d’une fiabilité éprouvée, permettant des analyses en vraie grandeur tant de la composition géométrique et du répertoire des motifs ornementaux38Logiquement, la restitution graphique précise des inscriptions a supposé un dialogue constant entre photogrammètres et épigraphiste. que des types de matériaux employés, première étape d’une étude fine des parements muraux. Dans une volonté de didactique, un soin particulier a été apporté à la mise en évidence des différents plans de la composition. À terme, il s’agirait de construire un corpus normalisé des portes monumentales mérinides et nasrides, projet que certains d’entre nous mènent parallèlement.

Dans le cas de Šālla, la documentation graphique élaborée nous amène à prendre conscience plus fortement que jamais de la qualité et de l’originalité du projet architectural et par là-même du rôle attribué à l’espace dont l’accès était ainsi magnifié. On sait que les portes d’apparat mérinides suivent de très près le patron établi avant eux par les Almohades39D’une façon générale, il est clair que l’art mérinide est, tout autant que l’art nasride, redevable aux modèles almohades, et cela à de nombreux niveaux. En dresser la liste et reconstituer le cheminement de ces influences dépasserait amplement l’objectif de cet article.. Elles s’en distinguent cependant par une plus grande complexité du tracé des arcs et, pour certaines, par un saut qualitatif du décor et la délicatesse des motifs, principalement aux façades extérieures. Dans le cas de Šālla, les tours de flanquement se caractérisent par un recours exceptionnel aux muqarnas en un endroit insolite, la transition entre le plan pentagonal du saillant et le plan quadrangulaire des terrasses40N’étant évidemment pas isolées de la muraille, ces deux tours ne sont pas pentagonales, c’est leur saillant qui l’est.. Cet emploi ostensible de muqarnas, en extérieur, peut être compris comme un lointain écho des portes seldjoukides d’Anatolie, un siècle plus anciennes, dans lesquelles l’espace intermédiaire entre l’arc d’accès et la façade elle-même est occupé par un jeu de ces éléments architectoniques. Un autre indice d’« orientalisation » pourrait être le motif en double U, aux écoinçons de la façade intérieure. Celui-ci résulterait de l’évolution et de la réduction de motifs semblables relativement fréquents en Orient, par exemple aux portes de la mosquée de ‘Alā’ al-Dīn ou de la madrasa Karatay, toutes deux à Konya (mais cela devrait faire l’objet d’un autre article que celui-ci).

Si, par leur graphie, les inscriptions des portes monumentales mérinides se situent dans la continuité de leurs antécédents almohades, elles en diffèrent quant à leur contenu sur des points essentiels, en particulier par un retour à une tradition bien antérieure mettant en exergue le rôle du souverain fondateur de villes et promoteur de grands édifices. Dans ce contexte, les inscriptions des sultans mérinides - et celles d’Abū l-Ḥasan en sont parmi les meilleurs exemples - manifestent une nouvelle conception du pouvoir, celle du sulṭān šarīf, par un recours extensif aux données généalogiques, à la diversification de la titulature protocolaire, à un choix spécifique des références coraniques et aux termes mêmes désignant l’objet de la fondation.

À la grande porte de Šālla, Abū l-Ḥasan ‘Alī est nommé par sa kunya et comme Mawlà, Sulṭān et Amīr al-muslimīn, tout comme ses deux prédécesseurs. Ce nouveau titre de Mawlà renvoie au chérifisme, au lien généalogique de la dynastie avec les ahl al-bayt et donc l’identification du sultan avec « l’archétype prophétique », la qudwa de la pensée soufie. Si Abū l-Ḥasan n’adopte pas le titre califien d’Amīr al-mu’minīn - pas décisif franchi en revanche par son successeur - et en reste à celui d’Amīr al-muslimīn déjà utilisé par les Almoravides et que les Nasrides d’al-Andalus finissant ont également fait leur, il n’en usa pas moins d’une série de laqab-s protocolaires en « Allāh » allant bien au-delà de sa condition affichée. En témoignent, entre autres exemples, les diverses inscriptions de constitution de waqf-s qui nous ont été conservées. Dans tous les cas, sa généalogie figure à la suite de ces indications.

À Šālla, la partie du texte relative à la fondation, n’innove pas quant à l’action elle-même (amara bi-binā’: « il ordonna la construction de […] »), mais le terme utilisé pour désigner l’objet de cette fondation, lui, est nouveau : al-ribāṭ al-mubārak, (« le ribāṭ béni »), référence on ne peut plus claire aux orientations politiques et apologétiques de la dynastie. Il est remarquable qu’aucune des inscriptions des plus anciens ribāṭ-s connus d’Ifrīqiya ou d’al-Andalus, aux caractéristiques architecturales et fonctions pratiques sans doute bien distinctes de celle du complexe de Šālla, n’utilise ce terme et qu’il faille attendre le XIIe siècle pour le voir apparaître en épigraphie. C’est qu’une nouvelle figure d’homme pieux s’impose aux XIIe-XIIIe siècles : le murābiṭ. Sa caractéristique est la foi en action. Par lui s’intensifie le lien entre ribāṭ et ğihād. L’identification du souverain à celle du saint soufi et la croyance en l’hérédité de la sainteté se concrétisent avec les Mérinides et l’émergence du šarīfisme. Désormais Mawlà, le sultan est porteur de baraka ; muğāhid, il se consacre au ğihād ; juste (‘ādil) il est attentif aux faibles et aux pauvres. Cette conception du pouvoir se diffuse alors par l’introduction de la madrasa et la multiplication des zāwiya-s et autres ribāṭ-s, lieux de pratique de l’ascétisme mais aussi lieux d’accueil, souvent associés à des nécropoles ou à des tombes de saints personnages. Si Šālla, nécropole princière, est qualifiée de ribāṭ, c’est du fait des traits particuliers du murābiṭ soufi assumés par le sultan fondateur, sans négliger pour autant sa localisation face à un autre ribāṭ, fondé lui par le calife almohade. Quant à la qualification d’al-mubārak, il faut y voir une référence à la sainteté, la baraka, fréquemment invoquée sur d’autres types d’édifices nés de la volonté du sultan mérinide.

Notons que la tendance à réévaluer le rôle de la révélation et de la religion à partir des postulats soufis n’est pas exclusive des Mérinides, mais est documentée au même moment un peu partout dans le domaine islamique méditerranéen. Ainsi nombre d’inscriptions montrent que le titre de Mawlà est repris tant par les sultans nasrides de Grenade que par les califes hafsides d’Ifrīqiya ou les Mamelouks d’Égypte et de Syrie-Palestine.

La porte d’apparat de Šālla est la plus complexe et la plus richement décorée des portes monumentales mérinides. L’inscription qui court sur sa façade est elle aussi exceptionnelle. À Salé, Bāb Mrisa, qui est plus ancienne et dont la fonction est bien différente n’a encore recours, selon la solution almohade, qu’à des formules coraniques tandis que la madrasa d’Abū l-Ḥasan et la zāwiyat al-Nussak édifiée par Abū ‘Inān sont des édifices de moindres dimensions et que leurs inscriptions de fondation sont loin d’être aussi prolixes.

De toutes les constructions mérinides de Tlemcen seul lui est comparable le minaret-porche de la grande mosquée d’al-Manṣūra, dont l’inscription - presque contemporaine de celle de Šālla - désigne l’ordonnateur comme Amīr al-muslimīn et al-Muğāhid fī sabīl Rabb al-‘ālamīn avec les qualificatifs d’al-muqaddas et d’al-marḥūm

Au-delà du raffinement de son décor et de la composition géométrique de ses volumes, proclamation ostentatoire de la maîtrise de ses constructeurs et du personnage qui les a inspirés, la grande porte de Šālla n’est pas un simple accès mais la manifestation monumentale de l’action menée par le sultan pour la défense et la propagation de la foi.

En un siècle, de 1260 à 1360, les sultans mérinides fondèrent une dizaine de villes, certaines éphémères, depuis le détroit de Gibraltar jusqu’au sud de l’Atlas, et répondant à des fonctions diverses (capitalité, ǧiḥād, sièges, contrôle de territoires tribaux, et finalement nécropole princière). Ibn Marzūq l’exprime ainsi : « Ces princes se glorifiaient de faire sortir de terre ces vastes demeures comme par enchantement ». Bien souvent, le sultan intervient personnellement, au moins dans les rites et cérémonies de la fondation. La ville pour laquelle nous sommes les mieux informés est Fās al-Ğadīd (initialement nommée Madīnat al-Baydā’). Ibn Ḫaldūn rend compte des raisons de la prise de décision par Abū Yūsuf Ya‘qūb (Ibn Ḫaldūn 1978 : IV, 83-84Ibn Ḫaldūn 1978 : Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale, trad. De Slane, Paris : Geuthner (4 vol.).), mais c’est Ibn al-Aḥmar qui nous fournit une image vivante, et peut-être en partie stéréotypée, du sultan entouré d’artisans, de maçons et de topographes, accompagné aussi de ses officiers et d’astrologues chargés de l’établissement des horoscopes, lors de la pose de la première pierre, le 22 mars 1276 (Ibn al-Aḥmar 1917 : 14-15Ibn al-Aḥmar 1917 : Histoire des Beni Merin, rois de Fès, intitulée Rawdat en-Nisrin (Le jardín des églantines), éd. et trad. G. Bouali et G. Marçais, Paris : Leroux.).

Abū l-Ḥasan poursuit la politique de ses prédécesseurs : sous son règne se termine la construction d’al-Manṣūra (ou al-Āfrāg) face à Ceuta, tandis qu’al-Manṣūra face à Tlemcen est restaurée et que se bâtit al-Manṣūriya près de Siǧilmāssa (Cressier 2020Cressier, P. 2020 : “Los sultanes meriníes, fundadores de ciudades”, dans Á. Muñoz Fernández et F. Ruiz Gómez (éd.), La ciudad medieval. Nuevas aproximaciones. Servicio de Publicaciones de la Universidad de Cádiz, Cádiz.). Sauf erreur de notre part, les sources évoquant ces travaux ne précisent pas qu’ils se soient réalisés en sa présence. Mais, par Ibn Baṭṭūṭa (1979 : IV, 359-360)Ibn Baṭṭūta 1979 : Voyages d’Ibn Battouta. Texte arabe accompagné d’une traduction par C. Defremery et B. R. Sanguinetti, préface et notes V. Monteil, Paris : Éditions Anthropos (4 vols.)., on le sait suffisamment impliqué dans ce processus pour avoir fait construire une maquette de Gibraltar lorsqu’il s’est agi de statuer sur le renforcement de cette place. À propos d’une construction à Tlemcen, Ibn Marzūq (1977 : 370)Ibn Marzūq 1977 : El Musnad. Hechos memorables de Abū-l-Ḥasan. Sultán de los Benimerines, étude et trad. Ma J. Viguera Molins, Madrid : Instituto Hispano Árabe de Cultura. relate qu’il convoque un groupe de « maîtres d’œuvre de maçonnerie, charpenterie, plâtrerie, revêtements céramiques, travail du marbre, peinture, forge et fonderie, qui devaient suivre ses instructions concernant le déroulement des travaux et les délais d’exécution ». Ce contrôle direct des travaux par Abū l-Ḥasan est attesté aussi par l’inscription de constitution du waqf sur la madrasa al-Miṣbāḥiyya à Fès (747/1346) : wa-rusima hādā kullu-hu hunā ḥasbamā amara bi-hi Mawlā-nā ayyada-hu Allāh (« […] et ceci, en totalité, fut tracé ici en accord avec ce qu’ordonna notre Mawlà, que Dieu l’assiste ») [Aouni 1991 : 129, nº 63Aouni, Lhağ M. 1991 : Étude des inscriptions mérinides de Fas. Thèse de Doctorat sous la direction de S. Ory, Université de Provence, Aix-Marseille.].

Cependant, le geste architectural le plus fort d’Abū l-Ḥasan est probablement la fondation de Šālla, dont l’enceinte est achevée en 1339. Son attachement à ce qui semble son œuvre maîtresse, ribāṭ symbole tout à la fois de la pérennité de la dynastie et de l’implication de celle-ci dans le ǧiḥād, se matérialise post mortem mais selon ses propres instructions. En effet, l’inscription de fondation qui orne la façade extérieure de sa qubba funéraire indique que c’est lui qui en ordonna la construction, avant donc l’accession au pouvoir de son fils et héritier Abū ‘Inān en 1348-49 (Martínez Núñez et al. 2016 : 18Martínez Núñez, M. A., Cressier, P., Márquez Bueno, S. et Gurriarán Daza, P. 2016 : “La qubba funeraria del sultán Abū l-Ḥasan en Šāllah (Rabat, Marruecos)”, Norba. Revista de Arte, 36, pp. 9-41.). On sait de plus qu’à sa mort en 1351, Abū l-Ḥasan fut inhumé dans la rawḍa de la Qaṣba de Marrakech, mais que son corps fut transporté un peu plus tard sur la rive du Bou Regreg, auprès des siens (Deverdun 1956 : 75-76Deverdun, G. 1956 : Inscriptions arabes de Marrakech, Publications de l’Institut des Hautes Études Marocaines LX. Éditions techniques nord-africaines, Rabat.) comme il est spécifié sur la mqābriyya à son nom que fit sculpter son fils, Abū ‘Inān (Basset et Lévi-Provençal 1922 : 36-37, nº 6Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425. ; Rguig 2014 : 512-513, nº 311Rguig, H. 2014 : “Stèle du sultan Abu l-Hasan”, dans Y. Lintz, C. Déléry B. et Tuil Leonetti (dir.), Le Maroc médiéval. Un empire de l’Afrique à l’Espagne, pp. 512-513. Hazan-Louvre Éditions, Paris. ; Martínez Núñez et al. 2016 : 11, note 6Martínez Núñez, M. A., Cressier, P., Márquez Bueno, S. et Gurriarán Daza, P. 2016 : “La qubba funeraria del sultán Abū l-Ḥasan en Šāllah (Rabat, Marruecos)”, Norba. Revista de Arte, 36, pp. 9-41.).

Au vu de cet aperçu du double intérêt porté par les sultans mérinides, et d’Abū l-Ḥasan en particulier, d’une part à la fondation de villes et d’autre part au ǧiḥād et à la proclamation de celui-ci, et si l’on se souvient que l’épure de la porte du ribāṭ de Šālla paraît moins le schéma directeur de ce qui allait être réalisé dans la pierre qu’une sorte d’esquisse devant montrer l’effet qu’allait produire cette œuvre, il nous semble logique de penser que le destinataire ultime en était bien le sultan lui-même.

Si l’épure de Šālla constitue donc bien un indice supplémentaire indirect de l’implication personnelle du sultan dans les processus de fondation dynastique urbaine, on aura garde d’oublier qu’elle est aussi une pièce exceptionnelle à verser au dossier de l’histoire de la pratique architecturale dans l’Occident médiéval islamique.

NOTES

 
6

À peine 5 cm dans la plus grande largeur pour les premiers et 10 cm pour le dernier.

7

Auparavant, l’ensemble monumental avait fait l’objet d’une description encore incomplète et confuse dans Villes et tribus du Maroc, Mission Scientifique du Maroc, 1918 : 40-51Mission Scientifique du Maroc 1918 : Villes et tribus du Maroc, vol. 3, Rabat et sa région, t. I, Les villes avant la conquête. É. Leroux, Paris.. Le livre d’E. Pauty (1944)Pauty, E. 1944 : Le site de Chella à travers les âges. École du Livre, Rabat. n’apporte presque rien. Dans sa monographie de Rabat avant le protectorat, J. Caillé évoque à peine le site, qu’il comprend comme une ville distincte (Caillé 1949 : t. I, 180-181Caillé, J. 1949 : La ville de Rabat jusqu’au protectorat français. Histoire et archéologie, Publications de l’Institut des Hautes Études Marocaines XLIV. Éditions d’Art et d’Histoire, Paris (3 vol.). ). Nécropole, sanctuaire ou ribāṭ, Šālla ne s’inscrit pas moins, en effet, dans la lignée des fondations urbaines mérinides (Cressier 2020Cressier, P. 2020 : “Los sultanes meriníes, fundadores de ciudades”, dans Á. Muñoz Fernández et F. Ruiz Gómez (éd.), La ciudad medieval. Nuevas aproximaciones. Servicio de Publicaciones de la Universidad de Cádiz, Cádiz.). Les résultats des fouilles réalisées dans les années 1960 par I. ‘Uṯmān ‘Uṯmān (1975‘Uṯmān ‘Uṯmān, I. 1390/1975 : Tā’rīḫ Šālla al-Islāmiyya : Ṣafaḥāt ğadīda fī tā’rīḫ al-Maġrib al-Aqṣā minaṣr al-Adārisa ilā nihāyat ‘aṣr al-Marīniyyīn. Dār al-Ṯaqāfa, Beyrouth. et 1978)‘Uṯmān ‘Uṯmān, I. 1978 : Ḥafā’ir Šālla al-Islāmiyya: Abḥāṯ tā’rīḫiyya wa-kušūf aṯariyya bi-l-Maġrib al-Aqṣā. Dār al-Ṯaqāfa, Beyrouth. sont inexploitables quoi qu’en pensent des auteurs récents (Nagy 2014 : 134Nagy, P. T. 2014 : “Sultans’ Paradise: The Royal Necropolis of Shāla, Rabat”, Al-Masaq: Journal of the Medieval Mediterranean, 26:2, pp. 132-146. https://doi.org/10.1080/09503110.2014.915103 ) ; parmi les problèmes posés, soulignons l’inexistence de toute documentation archéologique venant appuyer les hypothèses et les datations avancées (ce que confirme l’absence d’appareil iconographique original) ou l’assimilation excessive de la Sala du haut Moyen Âge avec le site de Šālla, dans la droite ligne, hélas, de la page que Wikipedia consacre à ce complexe monumental (tant dans la version française qu’anglaise : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chellah et https://en.wikipedia.org/wiki/Chellah; dernière consultation le 16 septembre 2020). Ces dernières années, l’intérêt pour cet ensemble exceptionnel s’est accru (El Khayari et al 1998El Khayari, A., Ettahiri, A. S. et Kbiri-Alaoui, M. 1998 : “Chellah, de l’Antiquité aux pélerinage-moussem”, Nouvelles Archéologiques et Patrimoniales, 2, pp. 4-6. ; Pietrobelli 2001Pietrobelli, A. 2001 : “Chella mystérieux ou l’archéologie d’un paysage”, dans Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire, 45 [Paysages et jardins des Méditerranéens], pp. 116-129. https://doi.org/10.3406/horma.2001.1992 ; Tuil-Leonetti 2011Tuil Leonetti, B. 2011 : Inhumation et baraka. La tombe du Saint dans la ville de l’Occident musulman au Moyen Âge (XII e -XV e siècle), Mémoire de doctorat, Université de Paris IV-Sorbonne, Paris. ; Ettahiri et Tuil-Leonetti 2014Ettahiri, A. S. et Tuil Leonetti, B. 2014 : “Chella, de la nécropole mérinide au royaume des djinns”, dans Y. Lintz, C. Déléry et B. Tuil Leonetti (dir), Maroc médiéval. Un empire de l’Afrique à l’Espagne, pp. 503-505. Hazan-Louvre Éditions, Paris. ; Martínez Núñez et al. 2016Martínez Núñez, M. A., Cressier, P., Márquez Bueno, S. et Gurriarán Daza, P. 2016 : “La qubba funeraria del sultán Abū l-Ḥasan en Šāllah (Rabat, Marruecos)”, Norba. Revista de Arte, 36, pp. 9-41. ; Terrasse 2017Terrasse, M. 2017 : “Un brillant chapitre de l’architecture marocaine : La période mérinide”, Hespéris-Tamuda, LII (3), pp. 135-150. ; Nagy 2014Nagy, P. T. 2014 : “Sultans’ Paradise: The Royal Necropolis of Shāla, Rabat”, Al-Masaq: Journal of the Medieval Mediterranean, 26:2, pp. 132-146. https://doi.org/10.1080/ 09503110.2014.915103 , 2019Nagy, P. T. 2019 : “The Ka‘ba, paradise, and Ibn al-Khaṭīb in Shālla (Rabat): the ‘work’ of 14th century marīnid funerary complex”, Miscelanea de Estudios Árabes e Islámicos [Sección árabe-islam], 68, pp. 263-293. https://doi.org/10.30827/meaharabe.v68i0.1000 ), y compris dans la perspective d’aménagements muséistiques plus ou moins bienvenus, ou de projets de restauration plus ou moins bien inspirés (Asebriy et al. 2007Asebriy, L., Bucci, C., El Amrani, I.-E., Franchi, R., Guerrera, F., Martín Martín, M., Patamìa, Cl., Raffaelli, G., Robles Marín, P., Tejera de León, J. et Tentoni, L. 2007 : “Étude intégrée de la dégradation des monuments historiques Romains et Islamiques de la ville de Rabat, Maroc. Proposition de solutions durables de prévention et de restauration”, Science and Technology for Cultural Heritage, 16 (1-2), pp. 45-66. https://www.researchgate.net/publication/264708777_Etude_integree_de_la_degradation_des_monuments_historiques_Romains_et_Islamiques_de_la_ville_de_Rabat_Maroc_proposition_de_solutions_durables_de_prevention_et_de_restauration ; Hadda et Jacobelli 2008Hadda, L. et Jacobelli, L. 2008 : Le Parc archéologique de Chella. L’Isola dei Ragazzi, Napoli. ; Terrisse 2011Terrisse, M. 2011 : Les musées de sites archéologiques appréhendés en tant que vecteurs de développement local à travers de trois études de cas préfigurant la mise en valeur opérationnelle du site de Chellah, Mémoire de Doctorat, Université du Maine, https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00654271. ; Roccon 2012Roccon, B. 2012 : La cinta muraria di Chellah. Progetto di Conservazione e Valorizzazionehttps://www.behance.net/gallery/3587275/Restauro-della-Cinta-Muraria-di-Chellah-Rabat?tracking_source=search_projects_recommended%7Cchellah ; Cavallari et al. 2013Cavallari, A., Gatti, M., Giberti, M., Hejira, H. et Roccon, B. 2013 : “Il sito archeologico-monumentale di Chellah, Rabat, tra storia e natura”, dans 29º Convegno Internazionale Scienza e Beni Culturali, Conservazione e valorizzazione dei siti archeologici: approcci scientifici e problemi di metodo. Bressanone, 9-10 Iuglio 2013, pp. 1103-1114. Marghera ; Belhaj et al. 2016Belhaj, S., Bahi, L et Akhssas, A. 2016 : “Study of Moroccan Monumental Heritage Traditional for Valorization and Conservation of Collective Memory and for Socio-eco-Tourism Sustainable Development-case Kasbah Chellah, Rabat”, Energy Procedia. https://doi.org/10.1016/j.egypro.2016.10.068 ; Benharbit et Hajila 2017Benharbit, M. et Hajila, R. 2017 : “Quand la restauration entrave la durabilite : Cas du site archéologique de Chellah à Rabat”, dans D. Pittaluga et F. Fratini (éd.), Conservation et valorisation du patrimoine architectural et paysagé des sites côtiers méditerranéens. Ripam 7, p. 175. Milan ; etc.).

8

La mission sur le terrain a été menée à bien les 11-13 février 2013 grâce à un financement attribué par le CIHAM (UMR 5648, CNRS, Lyon) et avec l’autorisation de la Direction du Patrimoine Culturel (nº 894 du 2 novembre 2012), dont le directeur était à l’époque M. Abdallah Alaoui. Outre celui-ci, nous tenons à remercier M. Aomar Akerraz (ex-Directeur de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine, Rabat), et M. Hicham Rguig (ex-conservateur de Chella) pour leur appui à ce projet et pour l’accueil qu’ils nous ont réservé à Rabat.

9

Sur les portes d’apparat almohades nord-africaines et mérinides, voir les travaux de B. Pavón Maldonado (1996)Pavón Maldonado, B. 1996 : “Planimetría de ciudades y fortalezas árabes del norte de África”, Cuadernos del Archivo Municipal de Ceuta, 9, pp. 17-162. , P. Cressier (2006aCressier, P. 2006a : “Les portes monumentales urbaines : symboles et fonctions”, dans P. Cressier, M. Fierro et L. Molina (éd.), Los Almohades. Problemas y perspectivas, Estudios Árabes e Islámicos. Monografías 11, t. I, pp. 149-187. Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid., 2006b)Cressier, P. 2006b : “Les portes urbaines post-almohades du Maroc (XIIIe-XIXe s.)”, dans Th. G. Schattner et F. Valdés Fernández (éd.), Stadttore. Bautyp und Kunstform / Puertas de ciudades. Tipo arquitectónico y forma artística, pp. 459-488. Iberia Archaeologica 8, Deutsches Archäologische Institut - Diputación de Toledo - Real Fundación de Toledo. Verlag Philipp von Zabern, Mayence. et S. Márquez Bueno (2013)Márquez Bueno, S. 2013 : “Rasgos comunes en la arquitectura meriní y nazarí. Una visión a través de las portadas monumentales militares y civiles”, dans F. Villada Paredes et P. Gurriarán Daza (éd.), Al Mansura. La ciudad olvidada, pp. 91-109. Servicio de Museos, Consejería de Educación, Cultura y Mujer, Ciudad autónoma de Ceuta, Ceuta.. S. Márquez Bueno et P. Gurriarán Daza (2011)Márquez Bueno, S. et Gurriarán Daza, P. 2011 “Las puertas monumentales en las fortificaciones del occidente andalusí”, dans B. Franco Moreno, M. Alba Calzado et S. Feijoo (éd.), I-II Jornadas de Arqueología e Historia Medieval. La Marca inferior de al-Andalus, pp. 183-252. Consorcio Ciudad Monumental Histórico-Artístico, Mérida. étendent leur réflexion sur ce thème à al-Andalus.

10

Sur le décor végétal des portes urbaines médiévales du Maroc, voir l’article ancien de H. Terrasse (1923)Terrasse, H. 1923 “Le décor des portes anciennes du Maroc”, Hespéris, III (2), pp. 148-174. .

11

« Droit(e) » et « gauche » sont utilisés dans cette description en supposant l’observateur situé à l’extérieur de l’enceinte et face à la porte.

12

Les motifs en caractères coufiques des muqarnas n’ont pas été lus par Basset et Lévi-Provençal qui signalèrent seulement qu’il s’agissait de « motifs dérivés du koufique » (1922 : 67-68, 70, fig. 12Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425.).

13

Selon son inscription, cet étendard fut fabriqué dans la Qaṣba de Fès en 712/1312 pour Abū Sa‘īd ‘Utmān (m. 1330) [Martínez Núñez 2007 : 238-241, nº 97, avec bibliographieMartínez Núñez, M. A. 2007 : Epigrafía árabe. Catálogo del Gabinete de Antigüedades de la Real Academia de la Historia [con la Colaboración de Rodríguez Casanova, I. et Canto García, A.]. Real Academia de la Historia, Madrid.].

14

H. Basset et É. Lévi-Provençal (1922 : 64)Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425., ne parviennent pas à lire cette phrase en cursif et affirment que le médaillon contient « une sorte de rosace ».

15

La lecture et la traduction indiquées ici ont été réalisées à partir de l’état actuel de conservation de l’inscription de fondation. Notons que cette lecture diffère de celle publiée initialement par H. Basset et É. Lévi-Provençal (1922 : 31, 305-306, fig. 51)Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425. mais que ceux-ci corrigèrent dans le second volet de leur travail (Id., 1922 : 316) puis dans la réédition l’année suivante de l’ensemble sous forme de livre (Id., 1923 : 31).

16

H. Basset et É. Lévi-Provençal (1922)Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425. ajoutèrent à la fin «medium/medium-ARQARQT-18-e116-g021.png» qui n’existe pas dans l’orignal. Cet ajout fut supprimé dans la réédition (Id., 1923).

17

Ceci constitue le début de l’inscription, précédée des trois formules introductives typiques : ta‘awwud, basmala et taṣliya, dont l’usage fut introduit et généralisé par les Almohades dans l’épigraphie de leurs constructions officielles et que maintinrent les dynasties postérieures du Maghreb et d’al-Andalus (Martínez Núñez, 1997 : 435-437Martínez Núñez, M. A. 1997 : “Epigrafía y propaganda almohades”, Al-Qanṭara, 18 (2), pp. 415-445. https://doi.org/10.3989/alqantara.1997.v18.i2.531 , 2005 : 1-24, 36Martínez Núñez, M. A. 2005 : “Ideología y epigrafía almohades”, dans P. Cressier; M. Fierro et L. Molina (éd.), Los almohades: problemas y perspectivas, Estudios Árabes e Islámicos. Monografías 11, t. I, pp. 5-52. Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid.).

18

Dans leur version de 1922, Basset et Lévi-Provençal (1922 : 31)Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1922 : “Chella : Une nécropole mérinide”, Hespéris, II, pp. 1-92, 255-316 et 385-425. réduisent ostensiblement à «medium/medium-ARQARQT-18-e116-gf21.png» la formule de fondation, traduite par « cette construction a été ordonnée par ». Ils rétablissent la séquence complète dans la réédition.

19

Pour medium/medium-ARQARQT-18-e116-g023.png

20

Les deux adjectifs, al-muqaddas et al-marḥūm, utilisés ici avec les noms propres montrent qu’il s’agit de personnages déjà décédés, de la même façon que, durant les siècles précédents, l’expression raḥima-hu Allāh était employée après le nom des défunts (Barceló 1990 : 46Barceló, C. 1990 : “Estructura textual de los epitafios andalusíes (siglos IX-XIII)”, dans Homenaje a Manuel Ocaña Jiménez, pp. 41-54. Diputación provincial de Córdoba-Ayuntamiento de Córdoba, Cordoue. ; Martínez Núñez 2007 : 153, nº 53, note 468Martínez Núñez, M. A. 2007 : Epigrafía árabe. Catálogo del Gabinete de Antigüedades de la Real Academia de la Historia [con la Colaboración de Rodríguez Casanova, I. et Canto García, A.]. Real Academia de la Historia, Madrid. ; Barceló 2016a : 52Barceló, C. 2016a : “Epigrafía funeraria nazarí: el epitafio de al-Yanaštī (835/1436)”, Arqueología y Territorio Medieval, 23, pp. 41-55. https://doi.org/10.17561/aytm.v23i0.3198 ; Martínez Núñez et al. 2016 : 18, note 14Martínez Núñez, M. A., Cressier, P., Márquez Bueno, S. et Gurriarán Daza, P. 2016 : “La qubba funeraria del sultán Abū l-Ḥasan en Šāllah (Rabat, Marruecos)”, Norba. Revista de Arte, 36, pp. 9-41.).

21

Cette même expression se retrouve dans l’inscription rendant compte de l’institution d’un waqf dans la madrasa de Fās al-Ğadīd par le sultan Abū l-Ḥasan (Bel 1917-1919 : 103-116Bel, A. 1917-1919 : Inscriptions arabes de Fès, Imprimerie Nationale, Paris.).

22

Ce retour aux textes de fondation se fit progressivement : le contenu des premières épigraphies monumentales mérinides était encore exclusivement religieux, ainsi à la Bāb Mrisa de l’arsenal de Salé. Son inscription inclut les trois formules introductives de tradition almohade et une longue citation coranique (Q. LXI, 10-13) [Martínez Núñez 2014 : 149-150Martínez Núñez, M. A. 2014 : “El proyecto almohade a través de la documentación epigráfica: innovación y ruptura”, dans P. Cressier et V. Salvatierra Cuenca (éd.), Miradas Cruzadas 1212-2012. La batalla de las Navas de Tolosa, pp. 139-157. Universidad de Jaén, Jaén.].

23

C’est le titre qui, sans aucun doute, est donné à Abū l-Ḥasan sur l’un des étendards mérinides conservés à la cathédrale de Tolède (Lévi-Provençal 1931 : 193, nº 214Lévi-Provençal, É. 1931 : Inscriptions arabes d’Espagne, avec quarante-quatre planches en phototypie. E. J. Brill - E. Larose, Leyde-Paris (2 vol.).), avec la même date expressément indiquée (740/1339) que celle figurant sur la grande porte de Šālla, bien qu’il ait été affirmé que, sur cet objet, le souverain était mentionné comme Amīr al-mu’minīn (Ali de Unzaga 2014 : 546-547, nº 330Ali de Unzaga, M. 2014 : “Bannière du sultan Abu l-Hasan”, dans Y. Lintz, C. Déléry et B. Tuil Leonetti (dir), Le Maroc médiéval. Un empire de l’Afrique à l’Espagne, pp. 546-547. Hazan-Louvre Éditions, Paris.).

24

Cette même séquence de trois termes précède la mention du calife hafside Abū Ḥafṣ ‘Umar al-Mustanṣir bi-llāh dans les inscriptions de fondation de Bāb Riḥāna et de Bāb al-Mā’, toutes deux à la grande mosquée de Kairouan (Tunisie) et avec la même date expressément indiquée (693/1293-94) [Roy et Poinssot 1950 : 54-56, 59-60, nº 18, 22Roy, B. et Poinssot, P. 1950 : Inscriptions arabes de Kairouan, vol. II. Klincksieck, Paris.].

25

La titulature complète figure également sur la stèle de fondation encastrée dans le premier pilier à gauche du miḥrāb, de la mosquée de Sīdī Bū Madyan à Tlemcen (Algérie), de l’année 739/1338-39 (Bourouiba 1984 : 132Bourouiba, R. 1984 : Les inscriptions commémoratives des mosquées d’Algérie. Office des Publications Universitaires, Alger.).

26

Sur Ibn al-Ḫaṭīb et Šālla, voir Nagy 2019Nagy, P. T. 2019 : “The Ka‘ba, paradise, and Ibn al-Khaṭīb in Shālla (Rabat): the ‘work’ of 14th century marīnid funerary complex”, Miscelanea de Estudios Árabes e Islámicos [Sección árabe-islam], 68, pp. 263-293. https://doi.org/10.30827/meaharabe.v68i0.1000 .

27

Une photographie de cette pièce, de même que la lecture qu’en fit A. Labarta, a été publiée dans la revue Sines Municipal, 13 (mars 2016), p. 22. En ligne : https://issuu.com/cmsines/docs/sines_municipal_13__mar__o_2016_ (consultation le 4 janvier 2021).

28

Dans deux inscriptions de fondation de La Mecque, datées de 529/1134-35 et de 575/1179-80 (Al-Fa‘ar 1984 : 284-291, fig. 16 ; 302, fig. 56Al-Fa‘ar, M. F. ‘A. A. 1984 : Taṭawwur al-kitābāt wa-l-nuqūš fī l-Ḥiğāz mundu fağr al-Islām ḥattà muntaṣaf al qarn al-sābi‘ al-hiğrī. Tuhāma li-l-‘ilān wa-l-‘alāqāt al-‘āmma, Riyāḍ. ) et dans le texte de fondation de Ḫankāk Sunqurğāh à Alep (Syrie), de 554/1159 (Thesaurus d’Épigraphie Arabe, Fondation Max van Berchem, fiche nº 7943, en ligne : http://www.epigraphie-islamique.org/epi/consultation.php ; consultation le 29 mai 2020).

29

Sur ces trois inscriptions, voir Thesaurus d’Épigraphie Arabe, Fondation Max van Berchem, fiches nº 805, 2434 y 2078 respectivement, en ligne : http://www.epigraphie-islamique.org/epi/consultation.php (consultation le 22 avril 2020).

30

Ce même fragment coranique avait été utilisé en époque almohade, au bandeau de la porte de la Qaṣba des Ūdāya de Rabat et sur l’étendard de la bataille de « Navas de Tolosa » (Martínez Núñez 2014 : 45-46Martínez Núñez, M. A. 2014 : “El proyecto almohade a través de la documentación epigráfica: innovación y ruptura”, dans P. Cressier et V. Salvatierra Cuenca (éd.), Miradas Cruzadas 1212-2012. La batalla de las Navas de Tolosa, pp. 139-157. Universidad de Jaén, Jaén.), puis, à l’époque mérinide, sur l’étendard de la bataille du Salado, conservé à Tolède (Id. 2007 : 238-241, nº 97).

31

L’un de nous (María Antonia Martínez Núñez) a eu l’occasion de réviser les inscriptions de l’ensemble des portes monumentales mérinides, dans leur état actuel de conservation. À la porte de la mosquée Lalla al-Zahra, fondée sur l’ordre d’Abū ‘Inān (759/1358) sont reproduites les formules introductrices et Q. XV, 46-47 (Aouni 1991 : 190-191, nº 110Aouni, Lhağ M. 1991 : Étude des inscriptions mérinides de Fas. Thèse de Doctorat sous la direction de S. Ory, Université de Provence, Aix-Marseille.).

32

Thesaurus d’Épigraphie Arabe, Fondation Max van Berchem, fiche nº 1783, en ligne : http://www.epigraphie-islamique.org/epi/consultation.php (consultation le 22 avril 2020).

33

H. Basset et É. Lévi-Provençal interprètent différemment ce motif, puisqu’ils le considèrent comme étant constitué de deux palmes enserrant une coquille (Basset et Lévi-Provençal 1923 : fig. 17 et 20Basset, H. et Lévi-Provençal, É. 1923 : Chella. Une nécropole mérinide. E. Larose, Paris.).

34

À notre connaissance, il n’existe pas de terme en français pour désigner ce traitement particulier de l’arc. Ch. Ewert (1978 : 86)Ewert, C. 1978 : Spanisch-islamische Systeme sich kreuzender Bögen. III Die Aljafería in Zaragoza, Walter de Gruyter, Berlin. dénomma la formule « Hängezapfen », dont il assuma pour traduction à l’espagnol « clave colgante » (Ewert et al. 1971 : 92, 96, 97Ewert, C., Duda, D., Kircher, G. 1971 : Islamische Funde in Balaguer und die Aljaferia in Zaragoza, Madrider Forschungen 7, Walter de Gruyter, Berlin.) qui, traduit au français, donnerait « clef suspendue ». Mais cette expression désigne tout autre chose dans cette langue. Nous remercions ici B. Cabañero Subiza pour ses éclaircissements sur l’adoption du terme en espagnol.

35

B. Cabañero Subiza (2010Cabañero Subiza, B. 2010 : “Hipótesis de reconstitución del palacio taifal de Castell Formós de Balaguer (Lleida)”, Artigrama, 25, pp. 283-326. , 2011)Cabañero Subiza, B. 2011 : “Pautas que rigen las composiciones decorativas del palacio taifal de la alcazaba de Balaguer (Lleida)”, Artigrama, 26, pp. 535- 556. a analysé les formes architectoniques et le répertoire ornemental du palais ṭa’ifa de Balaguer.

36

Dans le premier cas, la mesure a été effectuée en prolongeant virtuellement les lignes incisées et en supposant un niveau de sol original identique à l’intérieur et à l’extérieur de la muraille, dans ce même secteur au moins.

37

Le découvreur de l’épure, J. Borély, n’est pas de cet avis, mais n’argumente malheureusement pas son opinion : « J’expliquerai ailleurs comment et pourquoi on peut penser, d’après l’enchaînement des constructions, que la muraille du ribat est antérieure à la porte d’Aboû el-Hasan et cette porte antérieure à l’hôtellerie » (Borély 1932 : 15Borély, J. 1932 : “Chella et l’archéologie”, La vie marocaine illustrée [Numéro thématique Tourisme], pp. 11-15.).

38

Logiquement, la restitution graphique précise des inscriptions a supposé un dialogue constant entre photogrammètres et épigraphiste.

39

D’une façon générale, il est clair que l’art mérinide est, tout autant que l’art nasride, redevable aux modèles almohades, et cela à de nombreux niveaux. En dresser la liste et reconstituer le cheminement de ces influences dépasserait amplement l’objectif de cet article.

40

N’étant évidemment pas isolées de la muraille, ces deux tours ne sont pas pentagonales, c’est leur saillant qui l’est.

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